Le confinement est à peine terminé, le long réamorçage vers une activité économique “normale” en cours et on peut d’ores et déjà se poser la question de savoir si l’expérience employé survivra au COVID et si ce dernier ne rend pas l’idée, aussi bonne soit-elle, obsolète.
Et pourtant on peut pas dire qu’elle n’a pas été essentielle au plus fort de la crise. On attendra les chiffres dans la durée en se méfiant des sondages à chaud mais il est assez évident que les collaborateurs valoriseront à juste autre la manière dont les entreprises ont pris soin d’eux à ce moment critique. Donc partant du principe qu’une bonne expérience employé a conduit à plus de résilience et plus d’engagement on peut en déduire qu’au contraire les entreprises les plus sceptiques ne peuvent qu’être convaincues.
L’expérience employé renforcée par la crise
L’expérience employé est également sortie renforcée “a contrario” de la séquence car les entreprises qui n’étaient pas au point sur le sujet ont vu ce qu’il leur en a coûté. Si l’on regarde les 14 plaies de l’expérience employé il est évident que le télétravail à marche forcée a mis sous tension un grand nombre de pratiques, de process, d’outils qui ont finalement montré leur limites. Donc si ceux qui ont bien fait ont justifié leur action, ceux qui ont mal fait ont compris ce qu’il leur faudrait faire à l’avenir.
Oui mais ça c’était avant.
Il en va toujours de même après un choc. On encaisse, on panse les plaies, on est dans le “care”, puis vient la phase de réveil avec pleins de bonnes intentions puis la réalité reprend ses droits et on oublie tout ou presque.
Ce qui restera du confinement (mais on en parlera plus longuement dans de futurs billets) c’est ce qui a été fait, c’est à dire le “care”, et ce qui était défaillant, l’organisation, les process, les outils, le management pas toujours adaptés à la contrainte de la distance. On a eu un recours extensif à l’humain pour compenser le fait que le reste ne suivait pas car c’était mobilisable tout le suite en mode pompier contrairement au reste qui prendra longtemps à changer pourvu qu’il y ait la volonté, le courage et les moyens.
Je ne dis pas que si tout ce qui relève d’une approche organisationnelle de l’expérience employé avait été en place on aurait pu se dispenser de mettre davantage d’humain, loin de là, mais qu’on a du en mettre plus que de raison afin de compenser une multitude de points de friction qui auraient pu ne pas exister. Coup de chapeau, ceci dit, aux RH qui ont été sur le pont en permanence pour jouer les pompiers et agir parfois au delà de leur périmètre et parfois parce qu’autres n’avaient pas fait leur travail avant voire pendant. Mais cela ne dure qu’un temps.
Expérience employé vs “Cash is King”
Aujourd’hui on est dans la phase de reconstruction. Je ne parle pas de l’entreprise de demain avec tout ce que cela véhicule de philosophie, de rêves et d’idéalisme et qui en décevra certainement beaucoup. Je parle juste d’une entreprise qui doit réapprendre à être performante, innover, décider, exécuter dans un contexte où, on le verra, vitesse et frugalité régneront en maitres avec en toile de fond une force de travail qui sera potentiellement plus distante de manière choisie ou subie, en permanence ou occasionnellement. Un monde où le “prendre soin” qui été le maitre mot pendant des semaines sera remplacé par “cash is king”. Pas par philosophie ou par choix mais par nécessité.
Et là on va rapidement voir que la culture du “prendre soin” qui s’est imposée va passer au second rang car justement la seule et unique priorité sera de reconstituer des marges et se doter d’un outil productif encore plus efficace. Le télétravail a montré à beaucoup de dirigeants qu’ils pouvaient faire pleins de choses en direct sans de multiples intermédiaires, le chômage partiel a involontairement aplati l’organisation en écartant des circuits des personnes dont l’action n’était pas vitale. Et on a vu qu’on pouvait faire sans. Et l’idée, justifiée ou non, selon laquelle on est plus productif en télétravail ne sera pas tombée que dans l’oreille de sourds car finalement si on a des gens 10% plus productifs avec, en face, une demande qui se contracte il n’y a pas besoin de longues reflexions et de calculs compliqués pour en tirer toutes les conséquences.
“Cash is king”. “Marges et efficacité”. “Vitesse et frugalité”. Je tirais un coup de chapeau aux RH au début de ce post et il faut vraiment le faire car demain leur rôle ingrat de pompier étant terminé ils vont laisser la place aux financiers et aux professionnels des “opérations” qui, eux, vont construire l’entreprise de demain. On rappellera les RH en cas de problème, promis ! Comme d’habitude, au moins il y a une chose dans le monde d’après qui ne changera pas et ça sera loin d’être la seule.
Mais pourtant le “care” et le “well being” ont prouvé toute leur valeur pendant deux mois, non ? Oui. Mais dans une organisation de plus en plus distante on perd beaucoup de leviers de well being qui pour beaucoup sont associés spatialement et temporellement parlant au lieu de travail. Quant au care le fait que les RH aient du prendre les choses en main montre jusque qu’il y a un problème sur le rôle et les soft-skills de la ligne managériale. Leur remarquable travail sur le sujet est de fait plus l’expression d’un problème que sa solution. Et puis de toute manière il faut des marges et de l’efficacité, le reste on verra après.
L’expérience employé aura un impact opérationnel ou ne sera pas
Il reste comme levier d’action le contexte du collaborateur afin d’éviter d’être hors sol.
Alors pour porter une vision expérience employé dans ce contexte je vous souhaite bonne chance, même si après tout rien n’empêche d’avoir le discours car il sera très facile de justifier qu’on n’a pas les moyens de passer à l’exécution ou à une exécution autre qu’à minima.
Ou alors il faudra une vision très clairement opérationnelle de l’expérience employé, une vision qui se traduise, en dehors d’un “care” indispensable, par un impact concret sur les opérations et le business. Pas par ricochet ou en partant du principe que “si les employés vont bien le business va bien” mais bel et bien directement.
Alors finalement le sujet de l’expérience employé ressort probablement renforcé du triste épisode que l’on vient de vivre. Mais la la vision reste, le principe de réalité se chargera de faire le ménage entre les multiples approches possibles.
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