Tout comme la Covid étouffe les patients, l’administration étouffe les soignants.
Notre ministre vient de mettre sur la table six milliards pour le personnel non médical dans les hôpitaux. Ne sommes-nous pas une fois de plus en train de mettre la charrue avant les bœufs ?
La crise du Covid a mis en évidence les carences monstrueuses de notre système de santé, masquées par la méthode Coué, répétant sans cesse chaque fois qu’un problème se pose, que nous avons le meilleur système de santé au monde, avec des carences essentiellement dans son organisation. Nous l’avons constat, et les seuls surpris semblent nos dirigeants.
L’ARGENT COMME SEULE SOLUTION
Alors pour régler ces problèmes latents, une fois de plus, la solution : l’argent. Certains croient qu’on peut tout acheter et que l’argent va masquer tous nos défauts.
Chez nous cette crise a été traitée dans une grande panique, dans une désorganisation et une inefficacité totales, avec ordres et contre-ordres. L’Allemagne l’a abordé plus tranquillement, et le résultat est sans appel. Pourtant l’Allemagne ne disposait pas de plus d’argent. Les dépenses de santé en Allemagne et en France sont strictement équivalentes : 11,3 et 11,25 % du PIB.
Rappelez-vous la grève des urgences il y a juste un an. Elle est partie du service des urgences de Saint Antoine, le service le mieux doté de France en personnel médical, non médical, locaux et moyens. L’argent ne faisait pas partie des revendications initiales, même s’il est venu ensuite sur le devant avec l’extension du mouvement dans toute la France.
« La politique de fermeture de lits que mène l’AP-HP surcharge les urgences de patients » avons-nous entendu de la bouche de la représentante CGT dès les premières déclarations. Ce sont d’abord les conditions de travail qui ont déclenché le mouvement, avec la sécurité en premier lieu, j’y reviendrai.
Quand j’ai commencé à opérer, au bloc toutes les infirmières étaient dédiées aux soins. Lorsque je suis parti, depuis 10 ans, dans chaque bloc, un poste d’infirmière était consacré à plein temps à la paperasse, coller, décoller des étiquettes, noter, compter, vérifier…
En 40 ans, dans les hôpitaux, le personnel par nombre de lits a doublé, mais le nombre d’infirmières, toujours par lit est toujours le même. L’augmentation s’est faite uniquement sur le personnel administratif. Quand j’ai commencé médecine, le CHU avait un seul directeur général, quand j’ai terminé, il y avait 17 directeurs de différentes branches administratives.
Certes les personnel médical et non médical sont parmi les plus mal payés des pays équivalents à la France et il faudra une rallonge. Mais ce n’est pas le premier problème à mettre sur la table. Aujourd’hui, chaque fois qu’un problème se pose, nos dirigeants sortent le carnet de chèques pour calmer la situation, mais plus rien ne se passe ensuite.
AMÉLIORER LES CONDITIONS DE TRAVAIL
Et si on proposait d’abord d’améliorer les conditions de travail, ce qui passe par une refonte de l’organisation, du fonctionnement. Quand on est mal dans sa peau, que l’on travaille dans de mauvaises conditions, quand on est soignant et qu’on ne peut plus soigner, étouffé par les tâches administratives, gagner davantage ne change en rien la situation et le mal-être.
Quand on est harcelé par les patients, leurs familles, par ces Français mal élevés à qui tout est dû, qui n’ont que des droits et aucun devoir, l’argent ne change rien. Désolé d’évoquer ce problème de cette manière, mais c’est ce point précis qui a déclenché le mouvement de l’an dernier, cela fait partie d’un tout, tout est à revoir, et tout ne s’achète pas.
L’organisation de la santé en France repose maintenant sur les ARS, Agences Régionales de Santé, créées par la loi HPST de 2010, remplaçant entre autres les ARH, Agences Régionales d’Hospitalisation. Quand vous aurez vu l’organigramme de l’ARS de l’est ci-jointe, et que vous apprenez que sur Paris-Ile-de-France ils sont 4000, vous comprendrez mieux le vrai malaise des soignants. Il en est ainsi dans les ARS, les hôpitaux, les ministères.
Tout comme la Covid étouffe les patients, l’administration étouffe les soignants. Comme la France, ils souffrent de la sur-administration, mal bien français qui ne fait que s’aggraver à chaque problème qu’il engendre. Si vous supprimez cette sur-administration, vous dégagez des fonds pour les soignants, mais surtout vous améliorez leurs conditions de travail, leur bien-être, leur motivation, leur passion. Non tout ceci ne s’achète pas, cela se donne.
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