mercredi 24 juin 2020

Covid-19 : déconfinés mais flippés...


Rester enfermé par peur de la maladie ou voir du monde et se faire la bise… Depuis le début du déconfinement, les relations sociales ont été chamboulées. Pour certains, la réadaptation s’avère plus complexe que prévu.

Déconfinés, mais loin d’être tous libérés. Six semaines après l’amorce d’un retour à la vie pré-Covid, les relations sociales restent largement chamboulées par le virus et les mesures de distance physique encore préconisées.
D’un côté, les décomplexés, parlant du Covid-19 à l’imparfait et claquant la bise comme un acte militant. A l’image de ce serveur dans un bar parisien : «Les checks, les coups de coude, c’est pas pour moi. Je ne suis pas un punching-ball.» Lui fonce, tend la joue et fait avec les vents. «Je m’en prends beaucoup, oui…» Au fil des jours, il trouve quand même les gens de moins en moins stressés. «Les flippés le restent, mais c’est en train de s’inverser. On commence à rire gentiment de ceux qui se trimballent avec le double masque et la visière en prime.»
La tribu du milieu, elle, tente un numéro d’équilibriste entre distanciation et retour à des interactions à peu près normales. Avec des foirages. Comme ce groupe d’amis qui gardent leurs distances lors d’un dîner de retrouvailles, avant, l’heure avançant, de finir par tirer sur le même joint.
Et à l’autre bout, les précautionneux ou complètement psychorigides, tout dépend de quel point de vue on se place. Ceux-là mêmes qui n’ont pas remis un orteil dans un magasin autre que pour des achats vitaux. Et qui ne peuvent plus sortir de chez eux sans pester contre ces innocents/inconséquents attablés aux terrasses des cafés ou dansant collés-serrés lors de la fête de la musique, comme au temps d’avant. Cette espèce, peut-être plus nombreuse qu’on ne le pense, vit très mal ce déconfinement.

«Ça me rend ouf»


C’est le cas d’Arthur, installé à Toulouse avec sa femme, Agnès. Il a fait son retour dans le chef-lieu de la région Occitanie il y a trois semaines, après un confinement passé dans la maison de ses parents, dans les Corbières. «Dans la nature, à vivre dehors. On était bien…» se souvient-il, nostalgique. Le retour à la ville est loin d’aller de soi. «C’est compliqué de voir les gens qui, parce qu’ils ont envie de vivre normalement, oublient tout ce qui s’est passé et pourquoi nous en sommes arrivés là», juge-t-il. Lui ne veut pas, ne peut pas «papillonner d’un état à l’autre».
Le confinement a aussi agi comme un révélateur : «La vie avec peu de contact, dans la nature, me va bien. Je n’aime pas la société actuelle, tout ce bruit que font les gens pour rien.» Arthur s’est bien laissé entraîner dans un pique-nique avec un copain, mais a «vite été énervé» : «Quand je vois des gens qui ne respectent pas les gestes barrières, ça me rend ouf !» Il milite pour la fin de la bise ou du serrage de paluches.

«Je suis très tactile»


Une intransigeance pas facile à concilier avec la position de sa femme, moins angoissée, et qui tente le compromis pour éviter les engueulades. Si son mari préfère le «risque zéro», Agnès se dit prête à «prendre un risque, même réduit, pour retrouver une vie sociale et repasser des bons moments entre amis». Elle précise : «En faisant attention, évidemment.» Sa méthode ? La diplomatie des petits pas. «On est en train de s’ouvrir. Ma fille va aller à un anniversaire [où il y aura une] chasse au trésor, donc en plein air ; des copains nous ont invités à un apéro. C’est dans un jardin, parfait.» Les débats traversent les familles et les générations. Paule, professeure des écoles à la retraite à Orange (Vaucluse), a dû attendre trois mois avant de revoir son petit-fils de 4 ans. «Quand le déconfinement a été annoncé, on se réjouissait des retrouvailles. Mais ça n’a pas pu avoir lieu tout de suite car la compagne de mon fils est enceinte de leur second enfant, et ils ne voulaient pas prendre le moindre risque.» Un principe de précaution qu’elle comprend, même si elle en a souffert.
Finalement, la lumière est venue du minot lui-même. «Il demandait à ses parents pourquoi il n’avait pas le droit de voir son papou et sa mamie. Ils ont fini par craquer.» L’enfant est transmis sur une aire d’autoroute, sans bise, ni étreinte. A la maison, les barrières tombent vite, admet la grand-mère : «Je suis très tactile, alors les câlins et les bisous, forcément, il y en a eu.» Paule le reconnaît, il y a une part d’irrationnel dans ce réapprentissage des codes sociaux : «Le petit est retourné chez ses parents après une semaine chez nous, donc potentiellement, il y avait un risque.»
Sylvain Mouillard Marie Piquemal
https://www.liberation.fr/france/2020/06/23/covid-19-deconfines-mais-flippes_1792174?xtor=EREC-25&actId=ebwp0YMB8s1_OGEGSsDRkNUcvuQDVN7a57ET3fWtrS9kYcRZo0q2QV6rDPervSBy&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=503441

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