mardi 19 mai 2020

«Pire qu'un samedi de soldes»: des vendeurs racontent leur première semaine de travail...


TÉMOIGNAGES - La réouverture des magasins a été particulièrement éprouvante pour certains employés. Entre incivilités et stress lié au Covid-19, ils partagent leur expérience...

Après 50 jours de confinement, les commerces non essentiels à la vie de la nation ont finalement rouvert le 11 mai. La vie économique reprend progressivement ses droits avec le retour de la consommation, mais la mise en place des mesures sanitaires dans les magasins peut virer au casse-tête. Incivilités, manque d'empathie, règlements de comptes... Des employés racontent au Figaro leur première semaine de travail post-confinement. Si leurs témoignages ne constituent pas un panorama exhaustif - beaucoup de magasins ont vécu une réouverture paisible - , ils donnent une idée des situations délicates et souvent éprouvantes auxquelles nombre de salariés se trouvent exposés. Le nom des personnes ayant accepté de témoigner, ainsi que celui de leurs employeurs, a été anonymisé.

Marie, vendeuse dans le prêt-à-porter en région Occitanie :

«Dans ce métier, le manque de respect est une routine, surtout quand on est une jeune femme. Les gens ont tendance à penser que l'on ne va pas broncher. Mais honnêtement, je ne pensais pas qu'il y aurait autant de personnes qui enlèveraient leur masque et joueraient au chat et à la souris avec nous pour pouvoir l'enlever ou essayer des vêtements en cachette (alors que, pour des raisons sanitaires, leur essayage est interdit par la direction du magasin, ndlr).
Le premier jour, ma matinée s'est résumée à demander systématiquement aux clients de bien vouloir remettre leur masque. Les gens entrent dans la boutique, s'ils n'ont pas de masque on leur en donne... et une fois en haut des escalators, ils le mettent sous le menton ! Certains le remettent dès qu'ils me voient. D'autres rigolent en me disant «hi hi ! Désolé, c'est vrai», quand d'autres se plaignent de la chaleur. Qu'est-ce que je devrais dire, moi ? Je suis là depuis neuf heures du matin avec des gants en latex, un masque et une visière. J'ai eu l'impression de jouer à la maîtresse de maternelle avec des adultes de 30 ou 40 ans. Une dame m'a incendiée parce que je lui ai demandé de remettre son masque : elle m'a accusé de non-assistance à personne en danger parce qu'elle faisait de l'asthme et qu'elle allait «mourir à cause de [moi]». Donc sa vie est en danger à cause du port du masque prolongé mais elle choisit de venir flâner dans un magasin de vêtements...
Les gestes barrières n'étaient pas respectés, j'ai dû quitter plusieurs fois mon poste de rangement parce que les gens s'attroupaient autour de moi
Ou encore cette famille que j'ai réprimandée 26 fois parce que dès que j'avais le dos tourné, ses membres retiraient leurs masques et essayaient des vêtements en rayons. Et tous ces clients qui râlaient parce que je devais désinfecter le terminal de paiement après chaque paiement par carte... Les gestes barrières n'étaient pas respectés, j'ai dû quitter plusieurs fois mon poste de rangement parce que les gens s'attroupaient autour de moi. J'aurais aimé que nos chefs se rendent compte que l’ouverture ne pouvait pas se faire dans de bonnes conditions, étant donné que les commerces ne sont pas adaptés à la distanciation sociale. Mais c'est encore nous qui prenons pour les autres, nous avons l'impression d'être des cobayes... Mes collègues m'ont dit avoir vécu la même chose».

Stéphanie, employée dans l'atelier d'un magasin d'une grande enseigne de sport

«J'ai beaucoup appris et j'aime mon métier. Il est exigeant techniquement, mais humainement aussi. J'ai survécu à Noël, au nouvel an, aux soldes... Mais rien ne m'avait préparée aux conneries (sic) que j'ai vécu le premier jour du déconfinement. Il y avait plus de gens que dans ces périodes-là.
J'ai vu des gens refuser le port du masque qui pourtant leur était donné. J'ai vu des gens protester, un monsieur proférer un «connasse» a ma collègue qui lui demandait de remettre son masque. J'ai vu des gens le porter en dessous de leur nez, baisser leur masque pour me parler et faire le tour du plexiglas des caissières pour leur poser des questions. J'ai vu des collègues se réfugier dans les toilettes pour pleurer de stress !
Il y a des gens qui sont venus faire graver leurs boules de pétanques avec leurs initiales...

J'ai entendu des collègues, vétérans de la grande distribution, glisser que c'était leur pire journée en magasin. J'ai vu des collègues abandonner à la mi-journée les consignes sanitaires impossibles à appliquer. Il y a des gens qui sont venus pour faire graver leurs boules de pétanques avec leurs initiales... D'autres pour faire poser un autocollant avec le nom de leur poney sur leur boîte d'équitation ! Dire que je suis revenue pour ça... Dire que l'on s'expose au virus pour rendre service, réparer, entretenir, conseiller, et qu'en face, collectivement, leur comportement revient à nous cracher dessus... Au moins, grâce au masque, je n'ai pas eu à forcer le moindre sourire.»

Anna, employée d'un magasin de cosmétiques sur les Champs-Elysées

«Comme notre clientèle est composée à 60% de touristes, nous n'avons pas eu beaucoup de monde la première semaine. Mais le peu de monde que l'on a eu... Beaucoup de gens prennent les mesures sanitaires à la légère. Je ne m'attendais pas à ce qu'ils se mettent à râler lorsqu'on leur rappelle l'obligation de porter un masque. Ils ne comprennent pas que c'est une mesure de sécurité !
Nous n'avons pas le droit d'utiliser des testeurs mais il y a des gens qui forcent et qui les essayent... Nous faisons plus du rappel à l'ordre qu'autre chose. Beaucoup de clients contournent le plexiglas à la caisse pour poser une question ou donner l'argent sur le côté».
» À voir aussi - Déconfinement: des files d'attente devant Zara font le buzz sur les réseaux sociauxmployé au service après-vente dansunegrande enseigne multimédia culturelle, à Marseille
«En 50 jours de confinement, les gens ont beaucoup utilisé leur matériel, si ce n'est plus. Dès le premier jour, on a eu une file d'attente de 150 mètres qui traversait tout le magasin. On s'y attendait... 50 jours sans SAV, forcément, on s'en est pris plein la tête. On a compté le triple de clients par rapport à une journée normale.
Les gens ne comprenaient pas pourquoi les ateliers de réparation étaient fermés. Désolé qu'un iPhone à la main ne soit pas indispensable à la vie de la nation ! Il n'y a eu aucune compréhension, aucune empathie. On nous demande des dédommagements, on s'est fait injurier parce que le fils d'untel n'a pas eu sa console pendant le confinement. Une dame m'a dit «remboursez-moi ma tablette car j'ai perdu deux mois de garantie», alors que le gouvernement a justement pris un décret pour rallonger les délais de garantie» 

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