vendredi 29 mai 2020

« À 9 ans, j’étais déjà adulte », souvenirs de guerre de Marek Halter...


En début d'année 2020, Marek Halter nous recevait dans son appartement parisien pour évoquer son enfance pendant la Deuxième Guerre mondiale. 

L’atmosphère à Varsovie, le départ de Pologne, l’arrivée en URSS, la vie difficile dans un camp de réfugiés, il nous livre ses souvenirs d’enfance avec le recul de l’homme qui a vécu et pensé.

Souvenirs d’une enfance volée

Les fées n’ont pas déposé sur le berceau de Marek Halter les fastes d’une enfance insouciante. Naître juif en janvier 1936 à Varsovie, capitale d’une Pologne bientôt occupée, est l’assurance d’un début de vie meurtri que l’homme devenu mûr puis âgé ne peut oublier. Dans le cas de Marek Halter, c’est même toute une existence de combats pour la paix qui découle de cette jeunesse dans la guerre.
Les souvenirs d’enfance sont des bribes plus parlantes que les grandes analyses et Marek Halter partage avec émotion les images qui le hantent, une population juive courant apeurée dans les rues d’une ville en flammes, un cheval mort et éventré, une fuite un soir de 1940, alors que le ghetto de Varsovie se structure dangereusement. Âgé de 4 ans, le petit Marek part avec ses parents, et une soeur encore plus petite, vers l’inconnu, quittant un pays qu’il n’a pas eu le temps d’aimer et dont il ne se sentira jamais citoyen. Ses jeunes années se déroulent donc en URSS, dans un camp de réfugiés de Kokand, en actuel Ouzbékistan. Voici venu le temps d’une lutte quotidienne contre la faim et la maladie, le temps pour Marek Halter de vivre sa guerre.

Souvenirs d’une petite sœur perdue

Devenu  » un petit voleur, un petit voyou », selon ses mots, il tente de survivre dans une immense communauté regroupée comme des animaux dans des baraquements. Chaque personne a droit à 50 grammes de pain par jour, une ration bien insuffisante pour rester tranquille, d’autant que le jeune garçon commence à distinguer les petitesses et ruses funèbres de certains hommes, celles qui naissent avec les guerres, comme l’idée de mouiller le pain avant de le peser, pour l’alourdir, et en donner le moins possible, avant de revendre ce qui reste au marché noir. La spécialité de Marek Halter est ailleurs, lui excelle dans le vol de riz.
Mais le souvenir le plus dur de ces années est une culpabilité, celle d’avoir confié sa sœur à un refuge pour enfants alors que ses parents, malades de la typhoïde, se trouvent à l’hôpital. Quand ces derniers désirent la récupérer, ils apprennent que Bérénice, la petite « Boucha », est morte de faim. Ils ne reverront jamais son corps et Marek Halter ne se l’est jamais pardonné. « Vous n’aviez que 9 ans », lui rétorque-t-on avec douceur. Alors dans un sourire sans joie, les yeux tournés vers le passé, il confie quelques mots troublants pour notre modernité: « On trouve toujours des excuses mais à cette époque, à 9 ans, on est déjà adulte. »

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