mercredi 24 juin 2020

Didier Raoult face aux députés : «Je suis désolé que vous n’aimiez pas mon essai, moi je l’aime beaucoup»


Le patron de l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille, figure polarisante et controversée, a été auditionné mercredi par la commission d’enquête sur le Covid-19 de l’Assemblée nationale.

Est-ce le sérieux et la solennité d’une audition sous serment qui l’a révélé sous un nouveau jour ? 
Mercredi 24 juin, Didier Raoult a été entendu trois heures par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le Covid-19. Le directeur de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection de Marseille, infectiologue de renom, principal promoteur de l’hydroxychloroquine en France, n’était jamais apparu en public aussi sage et réfléchi depuis le début de la crise. Lui, le professeur vedette qui s’est tant de fois montré désinvolte, présomptueux et méprisant, s’est présenté devant les députés costard sur le dos, le ton courtois et relativement pondéré. Forcément plus audible.
A quelques digressions d’ego trip près, l’homme controversé a expliqué, développé, justifié, critiqué, dans une ambiance studieuse et non inflammable. Mais un seul instant a suffi pour électriser les débats. C’était lors du tout dernier échange de la soirée et sans surprise, il était question d’hydroxychloroquine.
 «Pourquoi n’avez-vous pas fait des essais cliniques dignes de ce nom dès le départ qui auraient pu définitivement répondre si oui ou non l’hydroxychloroquine a un effet ?» a interrogé le député Philippe Berta (lui-même médecin). Plusieurs fois cuisiné sur ce point durant l’audition, Didier Raoult avait jusqu’alors tenu bon par l’esquive et le trait d’humour. Mais là, il est devenu colérique, tapant même du poing sur la table.
 «Je suis désolé que vous n’aimiez pas mon essai, moi je l’aime beaucoup», a-t-il lâché, assumant de nouveau son choix de n’avoir pas mis en place un protocole classique d’essai clinique randomisé (par tirage au sort, en comparant des groupes de patients aux caractéristiques équivalentes).
Et condamnant au passage les études de très grande ampleur comme Recovery et consorts : «Moins il y a de gens quand c’est significatif, et plus c’est significatif. Tout essai qui comporte plus de 10 000 personnes est un essai qui cherche à démontrer des choses qui n’existent pas.» Puis le rideau s’est refermé sur cette conclusion péremptoire : 
«Je suis un grand scientifique, je sais ce qui est un essai et je peux vous dire qu’il y a une dizaine de traitements que j’ai inventés qui sont dans tous les livres médicaux de référence. Et celui-là le sera aussi, je vous le dis, nous verrons.»

Des «blaireaux dans leur terrier»

Avant cette ultime minute, Didier Raoult «l’antisystème» apparaissait comme une force tranquille. Même lorsqu’il a réitéré ses propos sur ses détracteurs, qui selon lui, sont financièrement liés au laboratoire Gilead (fabricant du remdesivir, un autre médicament testé contre la maladie). L’homme n’a pas non plus haussé la voix quand il a été questionné sur les décrets gouvernementaux qui limitent fortement la prescription de sa molécule (en médecine de ville mais aussi à l’hôpital). «Je suis surpris que l’ordre des médecins ait accepté une chose pareille, a-t-il exprimé. 
C’est la responsabilité des médecins de faire pour le mieux, pour leur malade, en leur âme et conscience, compte tenu de leur état de connaissance.»
Question santé publique, le professeur a estimé être incompétent pour juger certains points. «La décision du confinement, comme la décision des masques dans la rue, ne reposent pas sur des données scientifiques établies, claires et démontrables, a-t-il justifié. Le confinement à la maison, je l’ai dit deux fois au Président, c’est un domaine politique qui m’échappe.
 Parce que c’est celui de la gestion de la population, de la crainte de la population, sur laquelle je me suis interdit d’avoir une opinion.» En revanche, sur la faiblesse du nombre tests, l’infectiologue s’est montré plutôt bavard. «Je ne suis pas d’accord avec la décision qui a été prise de ne pas les généraliser. L’idée qu’on ne pouvait pas faire les tests n’était pas vraie», a jugé le médecin. Selon ses dires, le couac se situe au niveau de l’organisation «totalement archaïque» et centralisée vers les centres nationaux de référence (CNR) trop peu partageurs de leurs prérogatives (et de leurs machines). Des «blaireaux dans leur terrier qui mordent si on s’en approche», a-t-il houspillé.

Incompatibilité

Interpellé également sur son départ précoce du Conseil scientifique, qui a été installé par l’Elysée quelques semaines avant le confinement, Didier Raoult a pris le temps d’exposer son point de vue. «Les discussions qu’il y avait dans ce Conseil scientifique ne me concernaient pas. Moi je veux bien parler de science, je veux bien parler de médecine. Ce n’était pas à nous de nous prononcer sur le confinement», a-t-il expliqué. Seconde raison de son retrait (que le président du conseil, Jean-François Delfraissy, a dit «regretter») : l’incompatibilité avec les autres membres. «Il se trouve que dans ce Conseil scientifique, j’étais un ovni. Il n’y avait pas de compatibilité génétique entre nous. 
C’était un groupe qui se connaissait entre eux, qui travaillait depuis des années ensemble […]. J’ai vu que nous n’arrivions pas à parler.»
Concernant le risque d’une seconde vague, justement souligné par le Conseil scientifique, l’expert a joué la carte de la prudence. «Parmi les hypothèses les plus plausibles, il y a l’hypothèse que cette maladie devienne une maladie saisonnière comme les autres coronavirus et l’hypothèse qu’elle disparaisse comme le Sras purement et simplement à la fin de l’épidémie», a-t-il rappelé. Loin d’être un «prophète», Didier Raoult s’est dit «ignorant comme tout le monde». 
Il s’était pourtant montré beaucoup plus sûr de lui à ce propos il y a quelques semaines, en comparant le risque d’une reprise épidémique à une «fantaisie». Aujourd’hui, il affirme que «tous les gens qui vous feront des modèles projectifs sur des maladies qu’on ne connaît pas encore sont des fous».

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