lundi 15 juin 2020

Fin de l’état d’urgence sanitaire : un État encore plus gourmand et moins efficace...


La fin de l’État d’urgence sanitaire est un paradoxe : elle maintient la pression réglementaire sur les individus tout en empêchant les forces de sécurité de faire respecter l’ordre républicain.

7 mai, 11 mai, 2 juin… Les dates de déconfinement s’enchainent dans un flou rare alors que le chef de l’État a tenu dimanche soir sa quatrième intervention télévisée depuis le début de la crise épidémique afin d’exposer le dispositif de fin de déconfinement.
Une fin de déconfinement dans un contexte de manifestations contre les violences policières importées des États-Unis, permettant aux racialistes de gauche de montrer enfin leur vrai visage avec les nombreuses invectives frappant les policiers et policières de couleur, accusés d’être « des traîtres ».
Si le télescopage du déconfinement et des manifestations relève sans doute du hasard, le confinement a cristallisé les mécontentements. Après les Gilets jaunes et les manifestations contre la réforme des retraites, la mise en pause de l’économie ne manquera pas d’aboutir à un épisode social qu’il s’agira pour le gouvernement de gérer au mieux s’il souhaite ne pas terminer le quinquennat dans le fossé.
Les mesures de contrôle des manifestations qui devraient advenir à compter de l’été relèvent tristement d’une logique éculée alliant arrosage d’argent public et répression, et ce alors même que l’exécutif dépèce ses propres services des moyens qui lui permettraient d’être efficace.

FIN DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE : UNE DIVINE SURPRISE

À croire que l’occasion est trop belle. Présenté en Conseil des ministres le 10 juin dernier, le projet de loi préparant l’après-10 juillet, date de fin de l’État d’urgence sanitaire, fait étrangement écho aux manifestations succédant à la mort de George Floyd aux États-Unis.
Des manifestations que quelques racialistes indigénistes tentent opportunément d’importer en France, prenant pour prétexte une affaire Traoré relancée le 29 mai dernier par une expertise médicale écartant la responsabilité des gendarmes dans le décès du jeune Beau-Montois.
Ce projet de loi fait suite à un avis du Conseil scientifique estimant que « l’amélioration de la situation et la dynamique à la fois hypothétique, localisée et probablement maîtrisable d’une reprise de l’épidémie justifient […] une sortie de l’État d’urgence sanitaire ».
Cette sortie passe par la mise en place d’une période transitoire durant laquelle le gouvernement conserve la possibilité de contrôler les manifestations ainsi que les déplacements à compter du 10 juillet, et ce pour une durée de 4 mois renouvelables sur une période d’une année.
Des pouvoirs auxquels s’ajoute l’idée que tout reconfinement entraînera une remise à zéro du dispositif de déconfinement qui devra être recommencé de A à Z le cas échéant.
On est donc loin, très loin d’un retour à la normale, d’autant que la France, comme d’autres, a déjà connu des précédents avec l’inclusion dans le droit commun d’un certain nombre de mesures de l’État d’urgence terroriste.

APRÈS L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE, L’ÈRE DU DÉCONFINEMENT PERMANENT

Si ces mesures font suite à l’état d’urgence sanitaire, cette dernière ne sera plus mentionnée dans les textes, laissant craindre une entrée dans le droit commun non par une loi en bonne et due forme comme pour les dispositifs antiterroristes, mais par la pratique, avec des prolongations successives, comme on a pu le voir dans le cas de la CRDS dont l’application est prolongée continuellement depuis 1996.
Dans cette situation d’incertitude largement alimentée par l’indécision gouvernementale, le déconfinement ne relève plus du but, mais d’un état permanent d’autant plus étrange qu’il s’accompagne d’un manque de moyens des services censés mettre en œuvre ces dispositifs.

UNE POLICE DÉPECÉE

Et le parallèle avec les manifestations contre les violences policières est criant. En effet, ces manifestations montrent l’incapacité de l’État à faire régner l’ordre. La suppression de la technique d’étranglement par Beauvau, succédant à plusieurs années de dépeçage des moyens d’intervention des forces de sécurité dans un contexte d’augmentation de la violence, n’est que la dernière illustration de la déliquescence de l’État jacobin.
Et cette conjonction de l’augmentation de la réglementation et du manque de moyens n’est pas sans faire écho à la situation que connaissent les forces de l’ordre depuis plusieurs années.
Outre un taux de suicide 36 % supérieur à la moyenne nationale, le malaise de la police est bien connu. À la hausse de la menace terroriste et des manifestations violentes entraînant une augmentation significative de l’activité s’ajoute, selon un rapport sénatorial sorti il y a 2 ans, plusieurs dizaines de millions d’heures supplémentaires non payées ni récupérées à l’époque, des locaux décrépis, des véhicules dépassés et un équipement antédiluvien.
De la même manière que les soignants, les policiers subissent également d’énormes lourdeurs administratives. Ce même rapport constate ainsi le cas de comptes-rendus dont la rédaction est souvent trois à quatre fois plus longue que l’intervention en elle-même.

MOINS DE DROIT, PLUS DE COMPASSION

Mieux encore, les paroles du même Christophe Castaner estimant que « l’émotion dépasse les règles juridiques » sont un signal désastreux à l’attention des services de sécurité et de justice de ce pays.
L’État de droit est devenu un État de compassion, confirmé par la main tendue de la garde des Sceaux à la famille Traoré dans ce que l’avocat Guillaume Jeanson dénonce comme étant un « manquement grave au principe de séparation des pouvoirs », et ce alors même que le collectif Vérité pour Adama mène une campagne de terrorisme judiciaire, enchaînant les plaintes à l’encontre de personnalités politiques et journalistiques.
D’un côté, on continue de réglementer, d’édicter, de légiférer au mépris du bon sens. De l’autre, on coupe, on dépèce, on affame la police et la justice de leurs moyens financiers et techniques, car après la technique de l’étranglement, c’est désormais l’usage du pistolet à impulsion électrique – le fameux Taser – qui cristallise les inquiétudes.
Cette inflation réglementaire couplée à une diminution drastique des moyens de la force publique n’est pas sans rappeler les mots d’un autre avocat, cette fois-ci plus proche d’Emmanuel Macron.

OBÈSE ET INEFFICACE

Rédacteur des statuts du parti présidentiel, l’avocat François Sureau est connu pour sa défense des libertés publiques, notamment depuis les débats entourant l’État d’urgence terroriste à partir de 2014.
Estimant que l’accumulation de moyens répressifs de l’État n’est ni plus ni moins que du pain bénit pour l’extrême droite qui n’aura plus grand-chose à faire d’autre une fois au pouvoir que d’user des moyens mis en place par les majorités précédentes, l’avocat n’hésite pas à dire que les Français sont désormais habitués à vivre sans liberté.
À ce constat s’ajoute un autre, tout aussi pertinent sinon davantage dans la période actuelle.
Ce constat, François Sureau l’a résumé en novembre dernier à l’antenne de Radio RCJ :
On a créé un régime tout aussi présidentialiste qu’un régime latino-américain, mais tout aussi incertain qu’un régime de type IVe république sur le plan de l’efficacité normative.
En d’autres termes, le poids de l’État est devenu inversement proportionnel à son efficacité. Plus l’État devient gourmand en termes de normes et de financements, et moins il est efficace dans ses missions.
Et François Sureau de conclure que la situation est inédite, puisqu’on détruit « à la fois l’État et le citoyen », ce qui relève du pur paradoxe que la fin de l’État d’urgence sanitaire illustre à merveille en maintenant la pression réglementaire sur les individus tout en empêchant les forces de sécurité de faire respecter l’ordre républicain.

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