jeudi 25 juin 2020

La lettre politique de Laurent Joffrin;;


Deux nuances de vert

La Convention citoyenne pour le climat (CCC) a fait à coup sûr avancer la cause écologique. Ses 150 propositions, pour la plupart, relèvent d’une conception cohérente de la lutte contre le dérèglement climatique. On peut certes les discuter une à une. Mais elles forment une politique globale, dont on attend de voir si le gouvernement (celui-ci ou le prochain) tiendra suffisamment compte.

En revanche, la CCC a aussi mis en lumière trois contradictions de la politique écologique, non dans ce qu’elle a dit, mais dans ce qu’elle a éludé.

1) La Convention a rejeté à une nette majorité l’idée de réduire à 28 heures le temps de travail hebdomadaire sans diminution de revenu (pour les bas salaires en tout cas). Une participante a même lancé que cette mesure ferait passer les membres de la CCC «pour des guignols». Intéressante passe d’armes : une telle réduction du temps de travail ressortit de toute évidence de l’idéologie décroissante. 

En travaillant 20 % de moins, on aboutira nécessairement à une production également réduite, c’est-à-dire à une baisse générale du niveau de vie moyen. Les conventionnels, de toute évidence, n’en veulent pas. Mais une partie des écologistes tiennent cette baisse de la production pour inévitable si l’on veut réduire les émissions de CO2. D’autres défendent la thèse du «développement écologique», qui consiste, pour faire court, à réduire la production des secteurs polluants et à faire croître celle des secteurs bas carbone ou «carbone-zéro». 

Dans une période où l’économie française – et mondiale – subira le choc d’une décroissance brutale et forcée, il faudra bien sortir du flou. «Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée», disait Musset. De même, il faut savoir si la production et les revenus, au bout du compte, doivent croître ou décroître.

2) La Convention a de même discrètement éludé la question de la taxe carbone. Et pour cause : la dernière tentative en ce sens a déclenché la protestation des gilets jaunes, dont est elle-même issue ladite Convention citoyenne. Pourtant la question est, comme on disait naguère, «incontournable». Comment réorienter le comportement des producteurs et des consommateurs si l’on ne fixe pas un «prix du carbone» qui englobe l’effet nuisible des émissions ? Il faudra bien un jour clarifier la question…
3) Dernier sujet qui fâche : le nucléaire. On connaît le dilemme. L’énergie nucléaire présente des risques et un coût. Mais elle n’émet pas de CO2. Son existence depuis cinquante ans (sans accident) renforce la souveraineté économique française, thème revenu en force depuis la crise du Covid. 

Le remplacement de cette industrie par une énergie renouvelable satisferait la plupart des écologistes. Mais il ne ferait en rien avancer la lutte contre le réchauffement. Là encore, il faudra sortir de l’ambiguïté. Gouverner, disait Pierre Mendès France, c’est choisir.
LAURENT JOFFRIN

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