Voilà, ça y est, c’est officiel, c’est le déconfinement français. Et le déconfinement, c’est ♩ la joie des retrouvailles ♪ et le plaisir de partager à nouveau cet ♫ art de vivre français ♬ qui permet ce vivre ensemble chaleureux à base de battes de baseball, de barres de fer, de couteaux, d’armes à feu festives, de combats de rue citoyens et d’expéditions punitives inclusives.
Oui, certes : il y a eu le sentencieux délicieux discours du Président de la République – celui où il a dit qu’on n’allait déboulonner aucune statue historique un peu avant que Sibeth Ndiaye rétorque en substance « bon, on va voir » – suivi du petit débat actuel sur l’opportunité ou non de relancer les statistiques ethniques, lancé par la même Sibeth – ce à quoi Marine Le Pen a répondu en substance « bon, faut voir »…
Résultat : la presse n’a pas consacré trop de temps pour les petits désagréments de certains quartiers subitement très émotifs de Dijon, petite ville provinciale française, capitale de cette moutarde qui est montée au nez d’une certaine communauté tchétchène lorsqu’elle a découvert que l’un des siens avait été malencontreusement tabassé par les dealers maghrébins locaux.
À mesure que parvenaient enfin aux rédactions parisiennes les informations en provenance des lointaines contrées dijonnaises, massivement relayées par des réseaux sociaux un peu moins prudes et germanopratins, la population française a pu découvrir le fond exact de la petite bousculade qui a eu lieu ce dernier week-end : plusieurs dizaines de personnes, se revendiquant donc Tchétchènes, se sont rendues, munies de différents objets contondants, dans le quartier des Grésilles pour vouloir y régler le petit différend avec les « dealers » locaux qui auraient passé à tabac un jeune Tchétchène.
Entre un blessé par balle dans la nuit de samedi à dimanche et un violent accident de la route dans la nuit suivante, on comprend que la capitale des ducs de Bourgogne a su retrouver son côté festif que le confinement avait quelque peu endormi.
Saisi par ces soucis de sécurité civile, le procureur de la ville a fait part de sa préoccupation devant ce qu’il a qualifié hardiment de « dérive inquiétante » : sapristi, des gens qui froncent violemment les sourcils dans cette belle cité d’habitude si calme, voilà qui peut effectivement déclencher une ferme inquiétude. Rassurez-vous cependant, ce n’est pas encore la guerre, juste des événements « très graves » qui n’ont pour le moment pas débouché sur des interpellations, tout ceci se déroulant de façon probablement trop feutrée et trop discrète pour que la maréchaussée ne sache exactement qui appréhender pour les rituelles questions d’usage et l’enquête de voisinage qui ne manquera pas de débusquer les petits freluquets auteurs de ces dérives préoccupantes.
Malgré tout, voilà qui nous rassure.
Et ce d’autant plus que cet événement est, bien évidemment, totalement unique, isolé et parfaitement maîtrisé. Ce n’est pas comme si le pays était en proie à des fusillades régulièrement (comme à Nice, Avignon, Nîmes, Perpignan ou Villeurbanne pour la semaine écoulée) ou comme si d’autres quartiers, eux aussi émotifs et un peu tendus suite à un confinement très strict, avaient eux-mêmes quelque peu perdu leurs repères républicains comme à Besançon.
Ces dérives inquiétantes dijonnaises amènent cependant quelques observations : on se demande pourquoi les braves Tchétchènes sont ainsi allés chercher directement les auteurs du tabassage initial, celui qui a donc mis le feu aux poudres dijonnaises.
Deux hypothèses tiennent la corde...
La première serait qu’ayant jugé la justice française grossièrement inefficace pour remettre à leur place certains impétrants un peu trop turbulents, ils aient donc décidé de faire eux-mêmes le travail qui lui incombait. Dans cette hypothèse, on pourrait presque imaginer que cette réaction constitue un petit appel du pied aux forces de l’ordre officielles de la République : peut-être ces dernières devraient-elles faire appel aux solides Tchétchènes pour débarrasser certains quartiers de leurs dealers ?
La seconde serait qu’en fait, il ne s’agisse que d’une petite bisbille essentiellement commerciale : les uns empiétant malencontreusement sur la zone de chalandise des autres, des frictions contractuelles seraient apparues et certains auraient cru bon de régler le différend transactionnel autrement que devant un tribunal républicain officiel. Là encore, on pourrait interpréter ceci comme une petite lacune de notre État à fournir des institutions efficaces pour calmer les troubles de voisinage…
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