Un passionnant documentaire de la chaîne Histoire plonge dans les arcanes de l’enfer de Dante, via la carte et les illustrations laissées par le maître du Quattrocento.
Si vous imaginez l’enfer, vous penserez sûrement, et cela sans même le savoir, à la description qu’en a faite Dante Alighieri dans sa Divine Comédie ainsi qu’aux illustrations réalisées 150 ans plus tard par Sandro Botticelli (1445-1510).
Cet autre enfant de Florence n’a en effet pas été que le chantre de la beauté idéale, incarnée dans sa Vénus naissante et son Allégorie du printemps. Il a laissé une carte fantastique. Un schéma fourmillant de scènes terribles. Une sorte de coupe en entonnoir inversé de tous les maux et sévices. C’est dans ce puits géant ou ce volcan inversé des horreurs, situé selon le conte sous la ville de Jérusalem, qu’on s’enfonce à la suite de Dante, lui-même guidé par Virgile.
Le dessin est l’un des innombrables secrets et merveilles de la Bibliothèque apostolique du Vatican. On le découvre au moment de sa numérisation. Et ses neuf cercles, gradation des punitions en fonction des péchés - luxure, gourmandise, avarice, colère, hérésie, violence, etc. -, apparaissent pleinement. Plus les espaces s’étrécissent plus les douleurs abondent. Sur le bord de ce calice démoniaque se lit la phrase aussi définitive que célèbre, reprise par Rodin pour sa Porte en bronze: «Vous qui entrez, laissez toute espérance.»
Monstre cannibale
Puis l’on rencontre l’antique Charon dans sa barque. Botticelli l’a représenté en vieillard barbu, avec nez crochu et oreilles pointues. Un signe d’antisémitisme du Quattrocento? Suivent, toujours traitées en miniatures colorées, de truculents supplices infligés sous la gouverne d’un monstre cannibale et glouton. Un demi-millénaire plus tard, cette effigie de Lucifer donne toujours la chair de poule.
Ainsi, tel Homère décrivant les mille et un ornements du divin bouclier d’Achille, Botticelli a réussi l’exploit de faire tenir sur une feuille les 34 chants de Dante considérés comme plus beaux. Cela suffirait à sa gloire. Mais la Mappa dell’Inferno n’est que le frontispice d’un ouvrage reprenant, en les magnifiant, chacune des épouvantables ou mélancoliques précisions de Dante. Ce projet éditorial résulte d’une commande passée à l’artiste par le cousin de Laurent le Magnifique (on en voit le contrat). Botticelli ne l’a pas complètement honorée. Il est mort avant de l’achever.
Demeurent tout de même de cette bande dessinée des années 1480-1490, profondément innovante, 91 feuillets d’une grâce et d’une terribilita époustouflantes. Ils ont été dispersés au fil du temps, tandis que dix autres passés en Union soviétique après la guerre sont réputés perdus. Le documentaire, L’Enfer de Botticelli, réalisé en 2016, relie l’ensemble, en suivant notamment la trace des propriétaires successifs. Chez les papes, outre la carte, se trouvent sept pages achetées à la reine Christine de Suède. Et Berlin, en 1819, a acquis les 84 que possédait le douzième duc d’Hamilton dans son palais écossais. Un endroit jadis… paradisiaque.
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