Un candidat hors normes serait-il en mesure de venir troubler la prochaine élection présidentielle ? Dès le mois de mai, Le Monde lance la rumeur en relayant cette confession d’un ministre de premier plan : « Un Zemmour, un Raoult, un Hanouna, qui incarnent chacun à leur manière cette rupture entre le peuple et les élites, peuvent faire irruption dans le jeu et tenter de poursuivre la vague de dégagisme de 2017. »
Ce lundi 24 août, c’est au tour d’un sondage IFOP commandé par Europe 1 de relancer l’hypothèse. Ainsi, à la question consistant à savoir qui serait le plus apte à « réinventer la France », le Premier ministre sortant Édouard Philippe serait l’homme idoine (45 %), juste devant Nicolas Hulot (44 %) et, bon troisième, le professeur Didier Raoult, avec 42 % des suffrages. Autre surprise, le général de Villiers, ancien chef d’état-major d’Emmanuel Macron, pointe à la dixième place, fort de 29 %.
Tout cela est-il bien sérieux ? « Non, même s’il ne faut jurer de rien », affirme le politologue Jérôme Fourquet, dont le remarquable essai, L’Archipel français, semble être aujourd’hui devenu le livre de chevet de notre personnel politique.
Et le même de poursuivre : « Du côté des outsiders, toute une partie de l’espace est occupé à gauche et à droite par Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Et à l’intérieur du système, quelqu’un a déjà joué cette pièce il y a trois ans, avec Emmanuel Macron et une forme de dégagisme. » Bien vu.
Certes, l’Ukraine s’est dotée d’un président venu du show-biz, le comique Volodymyr Zelensky, tandis qu’en Italie, l’humoriste Beppe Grillo et son Mouvement 5 étoiles emportaient un quart des votes, lors des élections générales de 2013. Là, on objectera que l’Ukraine n’est pas la France et que Beppe Grillo était entouré d’intellectuels l’ayant aidé à se constituer un corpus idéologique ainsi qu’une place prépondérante dans les réseaux sociaux. En nos contrées, Jean-Marie Bigard en est loin, ne disposant, pour cerveaux d’appoint, que de ceux de Laurent Baffie et de Marcel Campion.
Bien sûr, de Ferdinand Lop à Dieudonné tout en passant par Coluche et Henry de Lesquen, ce ne serait pas la première fois qu’un fantaisiste briguerait la magistrature suprême. Mais toutes ces initiatives ont avorté, faute de réel soutien populaire.
Quant à la possibilité d’un Cyril Hanouna ou d’un Éric Zemmour, le fait que ces deux hommes, qu’on est en droit de s’étonner qu’ils puissent être rangés dans le même sac à malices, n’aient pas fait acte de candidature devrait suffire à régler leurs cas respectifs.
Alors, un homme venu de nulle part ? Non sans raison, Jérôme Fourquet rappelle : « Si une telle figure émergeait, elle émergerait ou aurait déjà émergé à l’occasion des graves crises que nous avons traversées ces dernières années. Si on fait le bilan, quelle figure reste-t-il des gilets jaunes ? Aucune. Quelles figures ont émergé de la crise du Covid-19 ? Certains ont agité l’hypothèse Raoult, mais, apparemment, il est retourné à son laboratoire. »
Plus révélatrice est la présence du général de Villiers dans ce hit-parade. Napoléon, le maréchal Pétain, le général de Gaulle ? Marianne a toujours été sensible au charme de l’uniforme. Mais la percée de ces trois hommes correspondait à des circonstances tant particulières que dramatiques, et si la France ne se porte pas au mieux, elle n’en est pas en guerre pour autant…
Pas une première, donc, dans l’Histoire, car avant le général de Villiers, il y eut le général Marcel Bigeard et, dans une moindre mesure, le général Didier Tauzin.
À croire que les Français ne plaisantent pas avec la chose publique.
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