« Je serais surpris s’il reste d’un seul bloc lorsqu’il se sera déplacé au-delà des limites de l’océan glacial », explique à la BBC le glaciologue Adrian Luckman de l’Université de Swansea.
Ce chercheur britannique observe depuis 2017 le déplacement du plus grand iceberg du monde, baptisé l’A68, qui s’est détaché de l’Antarctique. Ce colosse de glace d’une superficie de près de 6 000 km2 fait soixante fois la taille de Paris. Et il dérive actuellement vers l’océan Atlantique Sud. Les scientifiques du monde entier scrutent ses mouvements depuis qu’il s’est détaché de la plateforme glaciaire Larsen C, il y a trois ans. Néanmoins, ils ne sont pas trop inquiets.
Même s’il se disloque à cause des températures nettement plus élevées qu’il va désormais rencontrer, en surface comme sous l’eau, il ne devrait pas faire monter le niveau de la mer.
Selon les spécialistes, il devrait subir le destin de l’iceberg B15, formé en 2000 dans une autre partie de l’Antarctique (la barrière de Ross), et qui détient le record du plus grand iceberg jamais mesuré, avec 11 000 km2. Aujourd’hui, ce denier n’a pas totalement disparu, mais il ne mesure plus que 200 km2, flottant près des îles Sandwich, dans l’Océan Atlantique.
L’A68, un bloc de glace 60 fois plus grand que Paris s’est détaché de l’Antarctique en 2017. Il dérive actuellement vers l’océan Atlantique. (Photo d’illustration : NASA)
La barrière Antarctique fragilisée
L’A68 ne présente donc pas vraiment de danger malgré ses impressionnantes mensurations. Mais ce que craignent les scientifiques, à vrai dire, c’est qu’en se détachant, il a encore un peu plus fragilisé la barrière Antarctique. Larsen C pourrait continuer de rétrécir, et là, en revanche, le phénomène serait très inquiétant concernant la montée des eaux…
Une fracture de Larsen C photographiée par la NASA (Photo : NASA)
Larsen C est une étendue de glace côtière de la péninsule Antarctique. Elle se fissure lentement depuis plusieurs années. Mais le processus s’est brutalement accéléré depuis 2018, rapportent des scientifiques de l’université de Swansea, au Pays de Galles. La fracture s’étend désormais sur 80 km et il n’en reste que 20 pour retenir l’étendue de glace qui se détache. « Larsen C est sur le point de perdre une surface de plus 5 000 km² après une nouvelle progression de la fracture », avertissent, dans un communiqué, les chercheurs du Projet Midas, consacré aux formations glaciaires dans l’Antarctique Ouest.
D’autres possibles fracturations
L’événement, ajoutent-ils, « va changer fondamentalement l’aspect de la péninsule antarctique » et pourrait provoquer d’autres fracturations. Les scientifiques craignent que le recul de la banquise dû au réchauffement climatique ne provoque une accélération du glissement des glaciers vers la mer, ce qui pourrait se traduire par une élévation du niveau de l’eau à l’échelle mondiale.
L’A68, un bloc de glace 60 fois plus grand que Paris s’est détaché de l’Antarctique en 2017. Il dérive actuellement vers l’océan Atlantique. (Photo d’illustration : NASA)
La barrière de Larsen C (une barrière de glace du nord-ouest de la mer de Weddell, s’étendant le long de la côte orientale de la péninsule Antarctique, NdlR], d’une superficie de près de 50 000 km2 pour une épaisseur de glace d’environ 350 mètres. Elle retient des glaciers capables, eux, de faire gagner 10 cm aux mers du monde s’ils finissaient par se trouver à terme exposés à l’océan Antarctique.