Qui n'a jamais fredonné ni même dansé sur ces célèbres chansons qui font toujours la magie du cinéma musical ? De "Singing in the rain" sous la pluie aux côtés de Gene Kelly et Debbie Reynolds, ou sur les pas de Fred Astaire dans "Le danseur du dessus", avec "Les demoiselles de Rochefort" ou encore "West Side Story" !
Dans "Grand Bien Vous Fasse", le journaliste et producteur à France Musique Laurent Valière, le scénariste N.T Binh, le journaliste et critique cinéma Xavier Leherpeur et la journaliste chef de la rubrique cinéma chez Télérama Guillemette Odicino nous replongent dans la fabuleuse et féérique histoire des comédies musicales :
La comédie musicale c'est "Singing in the rain" !
Et oui rappelez-vous quand Gene Kelly se met à chanter sous la pluie, en refermant la porte de celle dont il est tombé amoureux qui n'est autre que Debbie Reynolds. Tout d'un coup, il se met à siffloter, puis il se met à chanter et danser alors qu'il pleut. C'est peut-être l'un des grands symboles de l'histoire de la comédie musicale :
N.T Binh : "C'est la chanson symbolique parce que, dans ses paroles, on peut entendre "nous avons parlé toute la nuit, mais maintenant, c'est le matin et on peut se mettre à chanter, à danser". C'est exactement la raison pour laquelle la comédie musicale est la joie de vivre du cinéma ! C'est une sorte d'hymne au genre de la comédie musicale. Dans ce film, tous les problèmes, qu'ils soient individuels, collectifs ou sociaux sont réglés par le fait qu'on arrive à chanter et à danser à partir de ces mêmes problèmes".
Xavier Leherpeur : "La comédie musicale c'est un réenchantement de la réalité, c'est comme à l'opéra, ce sont des conventions qui subliment tout ce dont elles parlent !"
C'est quoi une comédie musicale ?
N.T Binh : "Ça fait appel à énormément de talents. Tout doit parfaitement être bien agencé : l'histoire, le dialogue, la chanson, le numéro de danse et le rythme.
Dans une comédie musicale, il faut que tous les éléments s'imbriquent !
C'est en fin de compte une pièce de théâtre comprenant une intrigue, du suspense, une arche narrative, des histoires d'amour, de la passion et des personnages qui expriment leurs émotions et désirs à travers le chant ou la danse, seul ou en groupe quand les mots ne suffisent plus.
Tout repose sur cette sorte de communion interactive entre le spectateur et les acteurs qui fait que la comédie musicale n'est pas seulement l'évasion ou le réenchantement du quotidien, mais aussi une manière de se dépasser, de trouver une solution à des conflits à travers quelque chose qui est de l'ordre, non pas de la lutte ou du combat, mais de la solidarité, de l'amour, de la rencontre et de la communication".
Les précurseurs et les grandes étapes de la comédie musicale
- Les débuts : "Show boat", "Top Hat"...
Laurent Valière : "Celui qui a vraiment marquer les esprits, c'est en 1927, "Show boat". C'est un peu comme si vous aviez adapté "Autant en emporte le vent" en comédie musicale : pour la première fois, c'est adapté d'un roman. C'est une intrigue et une véritable épopée qui racontait l'histoire d'une troupe de théâtre qui remontait le Mississippi. On suit cette troupe sur 50 années. Ça commençait dans les champs de coton où les esclaves noirs chantaient notamment Ol' Man River.
Après, il va y a toutes les formidables comédies musicales, notamment au cinéma à Hollywood, avec Fred Astaire et Ginger Rogers, en noir et blanc, qui font très Art déco, pour lesquelles George Gershwin et Irving Berlin ont composé des chansons qui sont vraiment devenues des standards. Comme dans Top Hat (1935).
On est en plein dans les années 1930, on se réveille à peine de la Grande Dépression. C'est souvent en période de crise qu'il y a des grandes vogues comme cela d'amour pour les comédies musicales. Il suffit d'être dans de bonnes dispositions, joue contre joue avec celui ou celle qu'on aime pour se trouver transporté au paradis. Cette mélodie d'Irving Berlin qui nous donne l'impression de s'envoler. À la fin du film, chaque spectateur a l'impression qu'il pourra faire comme eux, se retrouver, à chanter et à danser dans la rue spontanément quitte à passer un peu pour un fantaisiste ou un hurluberlu, mais non sans une sorte de libération, de désinhibition.
- Le second âge d'or
Après la guerre, en 1943, il va y avoir le second âge d'or avec des comédies musicales qui sont créées surtout par Richard Rodgers et Oscar Hammerstein. En France, on connaît surtout La mélodie du bonheur (1965), une comédie musicale dont l'histoire se déroule durant la Seconde Guerre mondiale, lorsque l'Autriche est annexée par l'Allemagne. Avec Julie Andrews et Christopher Plummer.
Toutes ces comédies musicales que vont composer Richard Rodgers et Oscar Hammerstein, vont comme s'ancrer dans une réalité sociale. Oklahoma ! (1955) en la la toute première, sur en fin de compte la Fondation des Etats-Unis. Avec Gordon MacRae, Gloria Grahame et Gene Nelson.
Impossible de passer à côté de West Side story (1957) qui marquait un autre tournant tant c'est une œuvre très sombre pour le coup et avec des corps qui gisent ! C'est le genre musical qui fait la transition avec le choc des années 1960 !
- La comédie musicale à partir de la fin des années 1960'
Après, il va y avoir ce qu'on va appeler la comédie musicale rock telle "Hair" en 1968, la comédie musicale contestataire. Tout d'un coup, on va mettre dans la fosse d'orchestre non plus des grands orchestres symphoniques de 50 musiciens, mais on pourra mettre uniquement 8 musiciens, une basse, une guitare électrique, ce qui était complément inédit ! On peut aussi faire parler les acteurs sur scène d'une réalité d'aujourd'hui.
Lorsque "Hair" est créé en 1968, le New York Times dit que "c'est enfin la première comédie musicale qui parle d'aujourd'hui". Ça parle de jeunes qui ne veulent pas aller faire la guerre au Vietnam. Il y en a un qui ira et qui mourra. Cette comédie musicale a marqué un tournant dans le genre !
En France, ça sera plutôt du côté de Jacques Demy où "c'est véritablement la façon très enchantée, disait-il, de créer des films. Citons "Les parapluies de Cherbourg" (1964), une histoire absolument tragique d'un jeune homme qui est appelé à faire la guerre d'Algérie. Lorsqu'il revient, sa petite amie s'est mariée avec un autre mais où tout est chanté".
Ou encore "Les demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy (1967)
Xavier Leherpeur : "On est jeté dans un monde absolument merveilleux, onirique, extraordinaire, de beauté et de grâce, de sensualité. Derrière le côté enchanté et très coloré, se tapissent plein de thèmes qui sont beaucoup plus sombres qu'en apparence. C'est un film absolument merveilleux que je ne cesse de revoir et que je ne cesse de redécouvrir. C'est enchanté, subversif et éminemment recommandable !"
Si vous ne l'avez jamais vue, apprêtez-vous à voir un des plus grands bonheurs cinématographiques de votre vie
"Phantom of the Paradise" de Brian De Palma (1974)
Guillemette Odicino : "C'est une merveille d'outrance qui brasse des mythes, celui du Fantôme de l'opéra, mais aussi le portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde. C'est l'histoire d'un compositeur extrêmement talentueux mais trop naïf qui signe un pacte avec Swan, un maléfique directeur de maison de disques à qui il va arriver des atrocités, va se retrouver défiguré et va finir masqué avec un drôle de masque en forme d'oiseau. Il décide de se venger.
C'est complètement fantastique, étincelant, ça brasse toutes les musiques. C'est surtout une comédie qui a inspiré les plus grands : Georges Lucas pour la voix rauque de Dark Vador, les Daft Punk ont eu l'idée de se cacher derrière des masques".
- Les années 2000, les Jukebox musicaux...
Laurent Valière : C'est comme lorsqu'on prend tous les tubes d'Abba, que tout le monde adore chanter et qu'on en fait une super comédie musicale. C'est en général hyper bien écrit en termes de scénario : Mamma Mia ! (2008) et qui se joue depuis des années à Londres, notamment. Une comédie musicale qui a vraiment révolutionné le genre, et qui prouve qu'on pouvait faire une comédie musicale avec comme base l'utilisation des musiques populaires.
En 2011, "Hamilton" est une comédie musicale majeure qui cartonne encore actuellement à la fois à Broadway et à Londres, et qui raconte l'histoire d'un des créateurs des États-Unis, Alexander Hamilton. C'est lui dont on voit le portrait sur les billets de 10 dollars aux Etats-Unis. Le moteur de cette comédie musicale, c'est Lin-Manuel Miranda, à la fois acteur de cette œuvre, mais aussi auteur du livre et compositeur. Il a utilisé la musique rap pour inventer cette histoire en costumes et c'est absolument sidérant !
Hairspray (2007) d'Adam Shankman adapté du film éponyme de John Waters (1988)
Laurent Valière : "John Travolta incarne la mère de l'héroïne, elle est effectivement déguisée en très grosse femme. Sa fille rêve de devenir célèbre, en 1960, à une émission de télé qui, alors que règne la ségrégation raciale. On nage dans un univers dont les musiques sont super punchy !"
Pour ne citer qu'eux bien sûr car il en reste tant d'autres ! Comme Le Magicien d'Oz (1939) ; Mary Poppins (1964) ; Grease (1978) mais aussi La La Land plus récemment (2016) de Damien Chazel avec Emma Stone et Ryan Gosling !
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