Observer les généraux qui ont mené les grandes batailles de l’histoire par le prisme de la sabermétrie, une approche statistique du baseball ? C’est ce que s’est amusé à faire Ethan Arsht, un Américain fondu (et spécialiste) de data. L’objectif ? Déterminer qui a été le meilleur d’entre eux, tout simplement.
Dans un long article sur le site towardsdatascience.com, Ethan Arsht détaille sa méthode, inspirée de statistiques utilisées dans l’univers du baseball.
Son premier défi a été de constituer « un jeu de données fiable », écrit-il. Comme aucun ensemble de données complet sur les grandes batailles de l’histoire n’existait, il en a composé un, en utilisant des listes de batailles répertoriées sur Wikipédia (il admet que cela peut être considéré comme une lacune).
« Une expérience de pensée amusante »
Avec 3 580 batailles uniques et 6 619 généraux recensés, il est parvenu à créer un modèle. Il a ajouté à cela d’autres informations clés pour chaque bataille : les commandants impliqués, le total des forces disponibles et l’issue du combat.
L’ensemble lui a permis d’obtenir un large échantillon de batailles pour déterminer une performance de base, à partir de laquelle il pourrait comparer les performances des différents généraux et calculer leur score de guerre.
Ethan Arsht a ensuite attribué un certain nombre de points aux généraux en fonction de leurs victoires ou défaites, des forces en présence, de la tactique guerrière… Avec son modèle, plus un commandant combat et gagne de batailles, plus il a de possibilités d’augmenter son score de guerre.
Voici le top 10 des meilleurs généraux de l’histoire selon son modèle. L’auteur a tenu à préciser que son travail est conçu « comme une expérience de pensée amusante », pas comme un « classement définitif ni une contribution scientifique au domaine de l’histoire militaire ».
10e : Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.)
(Photo : Wikimedia Commons)
C’est sans doute parce qu’il n’a pu mener que neuf batailles qu’Alexandre le Grand arrive à la 10e position de ce classement. Mais il s’agit de neuf victoires ! Selon la méthode de calcul d’Ethan Arsht, l’un des plus grands conquérants de l’histoire, qui avait notamment pris possession de l’immense Empire perse, obtient le score de guerre de 4,376.
9e : Gueorgui Joukov (1896-1974)
Avec une bataille en plus au compteur qu’Alexandre le Grand, Gueorgui Joukov obtient le score de guerre de 4,596. Nommé chef d’état-major général en janvier 1941 par Staline, il joue un rôle important sur le front de l’Est lors de la Seconde Guerre mondiale. Surnommé « le maréchal de Staline », il a notamment coordonné les troupes soviétiques lors de plusieurs opérations militaires majeures : le début du siège de Léningrad, la bataille de Moscou… Avec ses troupes il prend le centre de Berlin en mai 1945. C’est devant lui que les forces armées allemandes capitulent le 8 mai 1945.
8e : Frédéric le Grand (1712-1786)
C’est lui, Frédéric II de Prusse, qui a agrandi le territoire de la Prusse aux dépens de l’Autriche et de la Pologne. Il devient à 28 ans roi d’un tout petit royaume morcelé, mais à la tête de la troisième armée européenne et bien décidé à en augmenter la puissance. Ses multiples guerres sont devenues des classiques et des références. Lui était connu pour sa témérité, son ambition et sa roublardise. Selon la méthode de calcul d’Ethan Arsht, grâce à ses 14 batailles référencées, il obtient le score de guerre de 4,662.
7e : Ulysses S. Grant (1822-1885)
Celui qui est devenu le 18e président des États-Unis a d’abord mené une brillante carrière militaire. Ulysses S. Grant a commandé les armées nordistes durant la guerre de Sécession. Son commandement victorieux à la bataille de Shiloh lui a valu sa réputation de commandant agressif. Réputation renforcée lorsqu’en 1864 il coordonne une série de sanglantes batailles qui lui permettent d’isoler le général sudiste Robert E. Lee à Petersburg (qui apparaît lui aussi dans le modèle de calcul, mais bien loin derrière dans le classement, avec un score de guerre négatif !). Finalement, avec 16 batailles, Ulysses S. Grant obtient le score de guerre de 5,023.
6e : Hannibal Barca (247 - entre 183 et 181 av. J.-C.)
Hannibal et ses hommes traversant les Alpes. (Photo : Heinrich Leutemann/Wikimedia Commons)
Pas étonnant de retrouver ce grand tacticien militaire dans ce classement. À l’origine de la deuxième guerre punique selon ses ennemis, il tente en vain de prendre Rome, à la tête d’une armée qu’il maintiendra près de dix ans en Italie. Il sera finalement défait à la bataille de Zama, en 202 av. J.-C. L’historien militaire et officier américain Theodore Ayrault Dodge lui donne le surnom de « père de la stratégie » du fait que son plus grand ennemi, Rome, adopte après l’avoir vaincu des éléments de sa tactique militaire dans son propre arsenal stratégique. D’autres généraux comme Napoléon Bonaparte et le duc de Wellington le considéraient comme un grand stratège militaire. Finalement, il obtient le score de guerre de 5,489.
5e : Khalid Ibn al-Walid (584-642)
Compagnon du prophète Mahomet qui le surnommait « le Sabre dégainé de Dieu », Khalid Ibn al-Walid est reconnu dans l’histoire pour ses prouesses et tactiques militaires. Il a commandé les forces de l’Arabie unie (qui était un califat à l’époque), dans plus d’une centaine de batailles, contre les armées de l’Empire byzantin, de l’Empire sassanide et de leurs alliés, en plus d’autres tribus arabes. Ses prouesses stratégiques incluent la conquête de la Perse et de la Syrie romaine. Comme Alexandre le Grand, il n’a pas connu de défaites. Toutes ces qualités et ces victoires lui valent le score de guerre de 5,633.
4e : Takeda Shingen (1521-1573)
Représentation de Takeda Shingen. (Photo : Utagawa Kuniyoshi/Wikimedia Commons)
Peu connu en Occident, Takeda Shingen est un des meilleurs stratèges militaire du Japon féodal. Auteur de nombreuses conquêtes et expansions, il gagne la réputation d’un chef de guerre agressif envers ses ennemis mais pas cruel. Sur 18 batailles recensées, ses tactiques militaires et ses victoires lui valent le score de guerre de 6,091.
3e : Arthur Wellesley, premier duc de Wellington (1769-1852)
Le vieil ennemi de Napoléon est surtout connu pour l’avoir battu à Waterloo. Mais cette victoire ne suffit pas, selon ce modèle, à surpasser l’empereur. Malgré 18 batailles livrées, Wellesley obtient un score de guerre de 7,133, ce qui lui vaut tout de même la troisième place sur le podium.
2e : Jules César (100-44 av. J.-C.)
Buste de César dans la cour du château de Versailles. (Photo : Coyau/Wikimedia Commons/CC BY-SA 3.0)
Ce n’est pas César qui compte le plus de batailles menées. Mais son score de guerre de 7,365, selon ce modèle, reflète ses prises de risques et sa finesse dans les tactiques de combat qui ont marqué le monde romain et ont été reconnues dans toute l’histoire.
1er : Napoléon Bonaparte (1769-1821)
Cocorico ! Au compteur du puissant empereur, 43 batailles, 38 victoires et seulement 5 défaites, largement de quoi « démontrer ses prouesses tactiques », indique le créateur de ce modèle. Pour 17 de ses victoires, Ethan Arsht avait établi que Napoléon et ses troupes auraient à affronter de sérieuses difficultés et que pour les défaites, à chaque fois, ses armées partaient d’une manière ou d’une autre désavantagées. Avec cette méthode de calcul, Napoléon Bonaparte obtient l’impressionnant score de guerre de 16,703 !