En 1953, l'assemblée législative israélienne (la Knesset) a adopté une loi portant création d'un mémorial consacré aux victimes de la Shoah : Yad Vashem («Un mémorial et un nom», expression tirée de Isaïe, 56, 5). Pendant la discussion, un député suggéra de rajouter sur la liste des buts de Yad Vashem : «se souvenir et honorer les Justes des Nations qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs».
C'est ainsi que fut créée cette notion de Juste des Nations.
L'expression existait déjà dans le judaïsme traditionnel mais désignait les êtres humains respectant les sept lois de Noé, minimum commun de commandements permettant, d'après le judaïsme, de faire fonctionner éthiquement les différentes civilisations.
L'expression est devenue centrale dans la mémoire de la Shoah, non seulement pour l'État d'Israël, mais également pour nombre de pays. La cérémonie qui s'est déroulée en janvier 2007 à Paris, au Panthéon, en présence du Président de la République Jacques Chirac, en est un témoignage.
Une lumière au cœur des ténèbres
Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que la Solution finale du peuple juif décidée par les nazis battait son plein, les Juifs d'Europe se sont souvent sentis très abandonnés, aussi bien des différents gouvernements que de la population au milieu de laquelle ils vivaient. Celle-ci était souvent indifférente ou bien craignait les représailles nazies.
À l'Est de l'Europe, à plusieurs reprises, des paysans ayant aidé les Juifs ont été massacrés ainsi que toute leur famille. Parfois, leur maison était même incendiée pour dissuader d'autres personnes de porter secours. Dans d'autres cas, les nazis ont même reçu directement l'aide d'antisémites locaux qui ont contribué au déroulement de la Shoah.
Le fait que certaines personnes, par souci d'humanité, aient aidé les Juifs dans cette période est donc particulièrement important. Depuis 1963 siège à Yad Vashem une commission présidée par un juge de la cour suprême et qui est chargée d'examiner les dossiers présentés pour reconnaissance.
Les critères essentiels sont les suivants : avoir sauvé au moins un Juif (qui doit témoigner par écrit), avoir encouru des risques et l'avoir fait sans contrepartie matérielle.
Fin 2006, 21.308 personnes avaient été reconnues comme Justes des Nations. Parmi eux on trouve 5.941 Polonais, 4.726 Hollandais, 2.646 Français, 2.139 Ukrainiens, 1.414 Belges. Chaque Juste dont le dossier est retenu reçoit une médaille et un certificat attestant de ce qu'il a fait. Ils sont remis au cours d'une cérémonie officielle au Juste où à ses descendants lorsqu'il est décédé.
Sur le site du mémorial de Yad Vashem a été créée «l'allée des Justes» où des milliers d'arbres ont été plantés, chacun ayant à ses pieds une plaque portant le nom du Juste à qui l'arbre est dédié. Depuis quelques années, par manque de place, un Jardin des Justes a été créé sur le site, avec la liste de tous ceux qui ont été reconnus mais pour lesquels il n'est plus possible de planter d'arbres.
À l'entrée du musée, cinq arbres sont attribués à des Justes ayant accompli un travail particulièrement extraordinaire. Parmi eux se trouve l'arbre du pasteur protestant André Trocmé et de son épouse Magda. Tous deux ont été les initiateurs principaux du sauvetage des Juifs accompli au village du Chambon-sur-lignon (Haute-Loire) et dans les villages aux alentours. Sur ce qu'on appelle «le plateau protestant», près de 5.000 Juifs ont été accueillis et dissimulés aux yeux de la Gestapo et de ses complices du régime de Vichy.
Dès 1940, le pasteur déclarait à ses fidèles : « Des pressions païennes formidables vont s'exercer sur nous-mêmes et sur nos familles pour tenter de nous entraîner à une soumission passive à l'idéologie totalitaire. Si l'on ne parvient pas tout de suite à soumettre nos âmes, on voudra soumettre tout au moins nos corps. Le devoir des chrétiens est d'opposer à la violence exercée sur leur conscience les armes de l'Esprit ».
Ce sont ces «armes de l'esprit» qui ont protégé les Juifs et fait de ce petit coin de France un endroit dont on a pu dire : «Ici, on a aimé les Juifs».
Les Justes au Panthéon
Le 18 janvier 2007, les Justes de France sont symboliquement entrés au Panthéon, monument dédié aux «grands hommes».
Au cours d'une émouvante cérémonie en présence des Justes survivants et de leurs proches, le président de la République et Simone Veil, ancienne déportée, se sont recueillis dans la crypte devant une plaque intitulée Hommage de la nation aux Justes de France et portant cette inscription : «Sous la chape de haine et de nuit tombée sur la France dans les années d'occupation, des lumières, par milliers, refusèrent de s'éteindre. Nommés "Justes parmi les nations" ou restés anonymes, des femmes et des hommes, de toutes origines et de toutes conditions, ont sauvé des juifs des persécutions antisémites et des camps d'extermination. Bravant les risques encourus, ils ont incarné l'honneur de la France, ses valeurs de justice, de tolérance et d'humanité».
L'inscription est accompagnée des noms des 2642 Justes de France identifiés par Yad Vashem (n'y figurent pas, et pour cause, ceux, sans doute très nombreux, qui sont restés dans l'anonymat).
Bibliographie
Lucien Lazare, Le livre des Justes, Hachette-Pluriel, 1996.
Philippe Boegner, Ici, on a aimé les Juifs, Lattès, 1982.
Un film de Pierre Sauvage, Les armes de l'Esprit, 1989.
Philippe Boegner, Ici, on a aimé les Juifs, Lattès, 1982.
Un film de Pierre Sauvage, Les armes de l'Esprit, 1989.
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