Cette image de la diligence Concord lancée au plein galop, poursuivie par les indiens ou frôlant d’insondables précipices, est restée à jamais gravée dans nos imaginaires.
Diligence sur un pont de fortune
Ce film des coulisses d'une reconstitution nous donne une idée des conditions réelles de la circulation des diligences dans l'Ouest américain.
A la création d’une ligne, les relais étaient souvent inexistants ou très espacés.
Relai rustique de montagne
Les diligences devaient donc être autonomes. Elles se déplaçaient en convois composés de trois chariots à ressorts ; un pour le courrier et les bagages, un pour les voyageurs et un autre pour la nourriture et l’eau.
File de diligence et de chariots sur la route de Cripple Creek
La nuit, lors des haltes, ils étaient disposés en triangle afin de se protéger d’éventuelles attaques. Les véhicules utilisés comme diligences étaient de toutes sortes. Ainsi, le premier véhicule de la ligne San Francisco-San José était-il un ancien omnibus français retapé. Les premières initiatives de liaison entre deux lieux revenaient souvent à de petits exploitants qui utilisaient les véhicules qu’ils avaient sous la main. Par exemple, le jeune James Birch, âgé de 21 ans, avait traversé les plaines à bord d’un attelage de bœufs pour rejoindre Sacramento. En 1849, Il commença sa rémunératrice carrière de transporteur en montant un service de diligence entre Sacramento et les mines d’or. Sa première voiture fut un chariot de ferme, sans ressorts, aux sièges constitués de vulgaires planches de bois brut.On pouvait donc retrouver toutes sortes de véhicules comme un « Troy », lourd coach fabriqué à New York, de lourdes voitures fabriquées à Cheyenne, mais aussi ; Deadnorn, mud wagon ou sand wagon aménagés, Jersey, deadwood, Celerity,…
Deadwood coach
Dougherty
mudwagon
Dans un même voyage, il était courant de changer de type de véhicule pour un autre, mieux adapté aux particularités de la piste.
Mais une voiture, la « Concord », achetée massivement par les grandes compagnies, comme la Wells Fargo, devint la figure emblèmatique de la conquête de l’Ouest dans toute la deuxième partie du XIX° siècle.
Nous allons vous en conter l’histoire, en commençant par celle de son constructeur; la maison Abbot§Downing.
Ateliers aux alentours de 1873
Lewis Downing est issu d’une famille de carrossiers de Lexington (Massachusetts). En 1813, muni de quelques outils et d’un modeste capital, il ouvre un atelier de charron à Concord dans le Hampshire. Après s’être testé en construisant des chariots pour des parents, il décide d’en faire son activité principale et monte, en 1816, une fabrique spécialisée dans les chariots et les cabriolets à deux roues. Il y emploie une douzaine de salariés. Il engage un ouvrier, Stéphane Abbot, qui, deux ans plus tard, va devenir son associé, en 1827. Une vingtaine d’années plus tard, les deux associés se sépareront pour créer, avec leurs fils respectifs, la JA§EA Company et Lewis Downing and sons. Les deux sociétés se regrouperont, en 1865, sous le nom d'Abbot Downing § Company qui se modifia, à partir de 1873, en Abbot Downing Company. De 1847 à 1899, l’entreprise employait en moyenne 300 salariés et construisait plus de 3000 des fameuses diligences Concord. La baisse d’activité du transport par diligence amena la société à s’orienter vers d’autres productions ; ambulances, affûts de canons, fourgons, camions, voitures de cirque,…
Elle cessa son activité en 1928.
Mais revenons à la naissance de la Concord. Lewis Downing était marié à la fille d’un conducteur de diligence, Jonathan Wheelock, très au fait par son activité de l’inconfort des diligences de l’époque. Constatant que la majorité des diligences étaient trop lourdes et versaient facilement à cause d’un centre de gravité trop haut, Downing et Abbot décidèrent, en 1827, de créer un véhicule plus adapté aux mauvaises pistes de l’Ouest. Ils allièrent leurs savoir faire :
Abbot imagina une caisse dont la forme, reprenant la forme de l’œuf, assurait la robustesse.
Le siège du conducteur était surélevé, ce qui permettait a celui ci une meilleure visibilité et facilitait la maîtrise d’un attelage de 4 à 6 chevaux. Des galeries à l’arrière et sur le toit permettaient de ranger les bagages.
Suivant les modèles, la caisse pouvait accueillir six, neuf ou douze passagers.
Restait le problème récurrent de la stabilité de la voiture et de son confort. Downing eut l’idée de ne pas utiliser de ressorts métalliques mais de « poser » la caisse sur de solides courroies de cuir épaisses de 7 à 8 cms. Cette suspension permettait d’absorber les irrégularités de la piste mais provoquait du roulis qui pouvait indisposer certains voyageurs.
L’ensemble des matériaux utilisés; fers de Norvège, bois de tilleul pour les panneaux de caisse, frêne pour le timon, merisier, ormes et chêne pour les roues, étaient tous de très grande qualité.
Voici la description de la voiture par un utilisateur anglais, Sir Richard Burton, en 1860: « Elle combine la sécurité, la robustesse et la légèreté, mais sans la moindre concession à la beauté. Les roues sont éloignées de cinq à six pieds, ce qui limite les risques de verser. Les banquettes sont d’une épaisseur inhabituelle et polies comme de l’acier par le frottement sur le terrain rocailleux. Les moyeux et leurs frettes sont de proportions massives. Le plancher est supporté par des entretoises métalliques fixées sur des tasseaux de bois, lesquels à leur tour reposent sur de robustes sangles de cuir. Ces sangles possèdent deux avantages: elles amortissent mieux les cahots que les ressorts d’acier et elles peuvent, le cas échéant, être réparées sur le lieu même de l’avarie…L’intérieur comporte deux ou trois banquettes, soit tournées vers l’avant, soit se faisant vis-à-vis. Les sièges de cuir sont capitonnés ainsi que les dossiers, lesquels peuvent se rabattre et constituer une couchette relativement confortable pour deux personnes. »
La compagnie mettait un très grand soin dans la fabrication des roues qui devaient être assez résistantes pour s’adapter aux dures conditions d’utilisation. Leur qualité était si reconnue qu’elles furent massivement exportées en Europe, tout particulièrement en Angleterre.
Une des caractéristiques qui fit passer la diligence Concord dans l’histoire fut sa peinture. Appliquée en plusieurs couches, soigneusement ponçées, elle alliait une grande résistance aux intempéries à une certaine recherche esthétique. Les portières pouvaient être décorées d’un paysage ou du portrait d’un Américain célèbre.
La société Abbot§Downing identifiait chaque véhicule par un numéro de série sous le siège du conducteur ou sous le châssis, ainsi que sur l’extrémité des essieux. Ceci lui permettait d’assurer le suivi de la voiture tout au long de sa carrière. Ce « service après vente », assuré dans tous les Etats unis, et la qualité du véhicule assurérent un succés sans égal auprés des grandes compagnies de transport. En 1867, Wells Fargo § Cie commanda en une seule fois, à Omaha, 30 véhicules.
Nous retrouvons également comme clients ; « Gilbert, Salsbury et Patrick » dont la première commande était également de trente voitures, « L’Overland Stage Company » de Ben Holloday, « l’Overland Mail Company » de John Butterfield,…
Mais la «Concord » était aussi achetée par des compagnies de l’Est comme »Palmer House de Chicago et elle s’exportait à l’étranger; Mexique, Bolivie, Australie, Afrique du sud,…
Abbot et Downing construisirent d’autres types de diligences comme la célèbre « Mud Wagon ». Souvent nommée la Concord du pauvre, elle était surtout considérée comme pratiquement inchavirable et adaptée aux terrains les plus difficiles.
« Son plancher était fixé à un châssis métallique qui rappelait celui du traîneau, et elle était ouverte de deux côtés. On pouvait, seulement si la température était trop inclémente, abaisser des rideaux de toile imperméable ».
Vous trouverez un panel des types de voitures présentées dans le catalogue de Abbott downing Company: 1-abbot-et-downing
Texte: Figoli.
Photos: Figoli et courtoisie.
Bibliographie:
Site wells fargo history: link
Site abbott Downing concord coach: link
Site Abbott downing Company: link
Dunlop Richard "Les chariots de l'ouest", Librairie des champs élysées, 1979
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