Pour nous, c’est la nouvelle année. On fait le compte d’avant et on projette pour la suite. Et c’est vrai qu’ici, c’est un moment ou le temps s’arrête, où on a l’impression qu’on est revenus loin en arrière.
Comme Ruben, plusieurs dizaines de milliers de pèlerins juifs venus du monde entier se sont réunis début septembre pour Roch Hachana, le nouvel an juif, dans la ville d'Ouman, en Ukraine, pour fêter leur entrée dans l’année 5774 selon le calendrier hébraïque.
Des juifs appartenant pour la plupart à la branche orthodoxe hassidique. Ce pèlerinage connaît, au fil des ans, de plus en plus de succès.
Pendant quelques jours, la rue Pouchkine, à Ouman, était devenue l'artère principale d'un immense quartier juif improvisé. Entre éclats de rire, chants, danses et prières, les synagogues étaient pleines et les stands de nourriture pris d'assaut.
On y trouvait même du café et des biscuits Starbucks, alors que la marque n'est pourtant pas implantée en Ukraine. Des produits qui avaient voyagé dans les valises des quelques 30 000 pèlerins venus principalement d'Israël, des Etats-Unis et de France, pour rendre hommage au rabbin Nahman de Bratslav, l’un des fondateurs du Hassidisme. A sa mort en 1810, le rabbin avait demandé à être enterré ici afin de commémorer un massacre de 20.000 Juifs au 18ème siècle.
C'était la troisième fois que Ruben faisait le déplacement de Paris. Pour lui, c'est une manière unique de célébrer la nouvelle année.
Ici, il y a eu des pogroms et beaucoup de Juifs qui ont péri, etc. Rabbi Nahman a fait le vœu que l'on vienne « pèleriner ». Et l'histoire dit que d'ici, les prières montent plus vite.
De plus en plus de pèlerins affluent chaque année, et les défis de transport et d'hébergement sont colossaux. Ouman est une ville de quelques 85 000 habitants et ses hôtels ne peuvent accueillir que 5.000 personnes.
Quelques projets sont dans les cartons, comme des logements collectifs, ou la construction d'une synagogue pouvant accueillir jusqu'à 22 000 croyants, qui pourrait devenir ainsi la plus grande au monde. Mais pour l'heure, de nombreux habitants ukrainiens en profitent pour faire des affaires juteuses, comme l'explique Franck Beracassat , lui aussi venu de Paris : > Pour eux, ça reste un business. A 300 euros la semaine par lit loué... Il y a des maisons où ils ont 40 lits, donc ça leur fait 12 000 euros la semaine !
A quelques centaines de mètres de là, passés les barrages de police, on trouvait la place principale de la ville, avec en son centre la statue de Lénine.
Là, la vie des Ukrainiens continuait comme si de rien n'était. Un certain nombre d'habitants, qui n'ont plus l'habitude d'une telle agitation et qui n'ont pas tiré profit du pèlerinage, voyaient tout ceci d'un parfois œil suspicieux.
En 2011, le parti nationaliste Svoboda, l'étoile montante de la politique ukrainienne, avait déjà parié sur cette anxiété et organisé une manifestation contre la tenue du pèlerinage. Son représentant local, Anatoliy Panasenko, ne se disait pas, lui, opposé aux événements. Mais il trouvait le comportement des pèlerins choquant :
Ils se comportent comme les maîtres des lieux. Ils arrivent, ils achètent tout ce qu'ils veulent, et ils se montent impolis. C'est un peu comme si on hébergeait des invités, mais ils nous font comprendre qu'en fait, c'est nous, les invités.
Sous une haute protection policière, le pèlerinage s'est achevé sans heurts. On attend encore plus de pèlerins l'an prochain.
Mais il y a tout à parier que les deux communautés se regarderont encore de loin, sans s'approcher l'une de l'autre.
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