Chaque semaine, dans votre émission d’été "Chacun sa route", Élodie Font brosse le portrait d'une exploratrice. Voici Lesley Blanch, fascinée par l’Orient, écrivain célèbre en Angleterre pour "Vers les Rives sauvages de l’Amour", où elle raconte la vie d’aventurières extravagantes et toutes à son image.
Année 1904, dans l'Est de Londres, dans une famille d’intellectuels, vient au monde une petite fille. Une naissance qui semble dérouter les parents de Lesley Blanch :
Ils n'avaient pas prévu d'avoir une famille, de peur que celle-ci ne mette un terme à leur vie à deux singulièrement harmonieuse.
Très solitaires, ses parents sont plutôt oisifs ; le père est plongé dans ses lectures et la mère, dans sa peinture. À sa connaissance, Lesley Blanch n'avait aucune famille élargie.
Jusqu'à ses dix ans, l'enfant n’est pas scolarisée. Sa mère invente une méthode originale d'enseignement où elle mêle Poésie et Histoire, Musique et Géographie. Cette bonne famille anglaise ne déroge pas au rite de la promenade et raconte à la petite fille l’Histoire de Londres en déambulant le long de la Tamise, ou bien revisite les classiques de la littérature anglaise en se rendant sur les lieux-mêmes des romans.
En ce temps là, j'ignorais que toutes les expéditions qu'organisaient mes parents étaient des tentatives d'évasion. Une manière d'échapper temporairement à un avenir proche où régneraient le progrès et le changement ; tout ce qu'ils redoutaient.
Un "Voyageur" troublant et inspirant
Une rencontre va profondément bouleverser la petite Lesley Blanch, un homme que sa famille connaît sous le nom de "The Traveller" (Le Voyageur). À chacune de ses visites inopinées, l’homme lui offre des objets fascinants : un petit poignard du Caucase, un magnifique œuf en émail bleu et mille autres petits objets plus ou moins précieux.
Le voyageur est russe, c'est le metteur en scène Théodore Komisarjevsky , et Lesley Blanch se prend de passion pour cet immense pays et pour l'Asie en général. Les récits du "Voyageur" sont autant d’incitations à partir et la jeune fille décide un jour de s'en aller.
Je deviendrai à mon tour une voyageuse, féerie des féeries. J'irai dans tous les endroits qu'il dépeignait. Rien ne m'arrêterait. Je ne resterai pas cloîtrée à la maison.
L’après-midi, la rêveuse prend sa bicyclette et… s'imagine rouler vers l’Asie ! Mais en attendant de voyager ailleurs que dans son imaginaire, il faut bien qu'elle subvienne à ses besoins et à ceux de ses parents, dans une période où beaucoup de femmes ne travaillent pas.
Elle se met à écrire, à peindre, et ce fameux "Voyageur" dont elle est éprise, lui offre de collaborer avec lui comme décoratrice et créatrice de costumes.
Il devient son amant alors qu'elle a tout juste vingt ans, puis il disparaît en Union soviétique, sans donner aucune nouvelle.
Le premier vrai voyage
Dans les années trente, Lesley Blanch s'aventure enfin seule dans la Russie fantasmée de son enfance, sur la piste des décors de roman qu'elle aimait tant dévorer, de Tolstoï à Pouchkine. Elle parle un peu le Russe, alors les autorités la laissent tranquille.
Pourtant, comme pour Ella Maillart, dont vous pouvez retrouver le portrait, l'exploratrice découvre un Moscou en proie aux purges staliniennes et note :
Je n'étais pas au courant des persécutions, mais il était évident que partout, la vie était dure et sinistre.
C'est seulement lors de ce premier grand voyage que Lesley Blanch commence à éprouver un sentiment croissant d'excitation et d'aventure que doit toujours supposer, pour elle, un voyage.
Plus tard, lorsqu'elle parcourt le pays de la Sibérie au Caucase, elle se sent curieusement chez elle, tout en étant vraiment à l'étranger.
Retour au pays natal
De retour à Londres, Lesley Blanch retrouve ses parents dans une situation financière désespérée et son père, dont elle était très proche, décède en 1933. Elle se trouve contrainte de travailler beaucoup, pour subvenir aux besoins de sa mère et pour elle-même.
Remarquée par la rédactrice en chef du magazine, Vogue, elle se met à écrire des articles culturels, élaborant un nouveau genre de portrait très fourni et exhaustif.
En 1939, la Seconde Guerre mondiale éclate, Lesley écrit toujours pour Vogue, puis quitte le journal en 1944, après sa rencontre avec celui qui deviendra son deuxième mari, Romain Gary.
Rencontre avec Romain Gary
Ils se rencontrent lors d'une réception et se plaisent immédiatement. En avril 1945, les voici mariés, car Lesley aspirait à vivre autre chose après les horreurs de la Guerre :
Ayant vécu à Londres pendant les bombardements, je vis trois appartements voler en éclats sous mes pieds.
Dès 1946, le couple va énormément voyager. Diplomate, Romain Gary était envoyé dans divers pays. En l’accompagnant, Lesley Blanch, devenue Lesley Gary, va découvrir les Balkans, la Turquie, le Guatemala, le Sahara, des pays où tous deux vivent intensément, et écrivent :
https://www.franceinter.fr/culture/portrait-d-une-femme-au-coeur-nomade-lesley-blanchJ'ai toujours su que j'avais épousé un homme hors du commun, un homme qui, au fil des ans, est devenu pour ainsi dire une légende.
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