samedi 15 août 2020

L’écrivain Martin Gray, auteur d’« Au nom de tous les miens »

Martin Gray, en 2004.

L’écrivain franco-américain, né à Varsovie en 1922, a raconté son drame d’avoir perdu des êtres chers à trois reprises, le laissant seul survivant.

Ecrivain franco-américain d’origine polonaise, Martin Gray est mort dans la nuit du 24 au 25 avril, à son domicile de Ciney, en Belgique, à deux jours de son 94e anniversaire. Une longévité impressionnante pour un homme que le malheur frappa avec une obstination rare et dont le témoignage est devenu pour nombre de lecteurs une leçon de courage.
Né à Varsovie le 27 avril 1922, au sein d’une famille juive qui vit au cœur du ghetto, Mieczylaw Grajewski est le fils d’un gantier sans histoire. Tout bascule avec l’invasion de la Pologne par les nazis en septembre 1939. Pour ravitailler les siens, le jeune homme se fait contrebandier, franchissant les murs du ghetto pour y rapporter des vivres.
Arrêté, torturé, il s’évade mais se livre pour accompagner sa mère et ses frères. Eux sont assassinés dès leur arrivée au camp d’extermination de Treblinka. Mietek – futur Martin –, plus vaillant, est épargné et est chargé de sortir les cadavres des chambres à gaz pour les jeter à la fosse : un « totenjude ». Il s’évade encore, tente d’alerter ceux de sa communauté sur la réalité des camps, est pris, s’évade à nouveau, rejoint les partisans et fait à leurs côtés la chasse aux bourreaux et aux dénonciateurs. Il retrouve son père, un des chefs de la résistance militaire, mais le voit tomber sous les balles nazies lors de l’insurrection du ghetto. Il rejoint l’Armée rouge et c’est comme officier du NKVD qu’il participe à la prise de Berlin en mai 1945.

Passeur d’espérance

Malgré les distinctions militaires, le jeune homme tourne le dos à sa vie d’avant et en 1947 part rejoindre sa seule parente, une grand-mère octogénaire installée aux Etats-Unis. Il repart de zéro. Et, à force d’obstination, se refait une vie où il devient Martin Gray – il est naturalisé en 1952 –, antiquaire new-yorkais établi qui se diversifie dans la copie d’antiques. Comme il rêve de refonder une famille, sa rencontre avec Dina Cult, un jeune mannequin américain d’origine hollandaise, est providentielle. Ils se marient (1959), s’installent en France (1960), aux « Barons », sur la commune de Tanneron (Var), où Martin Gray devient exploitant agricole.
Mais le bonheur part en fumée, lors d’un terrible incendie qui ravage le lieu le 3 octobre 1970, piégeant l’épouse de Martin et leurs quatre enfants. Un tel coup du sort manque conduire le veuf au suicide. Il se ressaisit et choisit de lutter contre les catastrophes par l’éducation et l’information grâce la Fondation Dina Gray « pour la préservation de l’homme à travers son cadre de vie » et, dès l’automne 1971, par une campagne explicite : « un arbre par enfant ».
Dans le même temps paraît le témoignage sur sa double tragédie telle que la transcrite l’historien et journaliste Max Gallo. Le livre, Au nom de tous les miens, paru chez Robert Laffont en octobre 1971, connaît un succès foudroyant et un nombre spectaculaire de traductions (26 langues et plus de 30 millions de lecteurs, estime-t-on).
La Shoah est alors peu médiatisée et la première partie du témoignage de Gray fait couler beaucoup d’encre. Certains contestent le récit – trop « romancé » – composé par Gallo. Et la polémique rebondit lorsque Robert Enrico porte le best-seller à l’écran en 1983. Un temps ébranlé par les arguments avancés par les détracteurs de Gray, l’historien Pierre Vidal-Naquet, dans les colonnes du Monde, reconnut l’injustice de la calomnie, tout en pointant le grand danger du parti pris adopté par Max Gallo : « Un historien, fût-il aussi romancier, ne devrait pas mélanger les genres. »
Dès lors, la vie de Martin Gray, inlassable passeur d’énergie et d’espérance, est scandée par d’autres livres (Le Livre de la vie [1973], Les Forces de la vie [1975], Vivre debout [1990], Au nom de tous les hommes [2004]), d’autres campagnes. D’autres naissances aussi puisque de deux nouveaux mariages il a cinq enfants.
Une inextinguible soif de vie et de survie qui reste exceptionnelle.

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