C’est l’hymne de la série espagnole et pourtant, c’est une chanson… italienne. Remplie d’histoire, elle en dit beaucoup sur le propos de La Casa de Papel…
ET AU MILIEU COULE UNE RIZIÈRE
L’histoire de Bella Ciao se déroule en deux temps, mais pas en trois mouvements. À l’origine, la chanson célébrait un conflit social s’étant déroulé en 1908 en Italie. La fameuse “bella” dont il est question dans les paroles est en fait une “mondina”. Ce mot italien désigne les ouvrières agricoles saisonnières alors exploitées. Car celles travaillaient dans les rizières, les désherbaient et repiquaient le riz sans aucune limite de temps. Elles furent donc érigées comme symboles pour ce chant qui dénonçait leurs conditions de travail et était repris pour réclamer un passage à “seulement” huit heures quotidiennes.
Chanson populaire, elle se transmet alors de génération en génération, par tradition orale, sans enregistrement. Concernant l’air en lui-même, son origine exacte reste inconnue, on lui trouve même un air de ressemblance avec une chanson de la communauté juive de New York. Mais en Italie, alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage, la chanson va vivre le second chapitre de son histoire…
LE CHANT DES PARTISANS
La République sociale italienne a été établie par le fasciste Benito Mussolini en Italie du Centre et du Nord et correspondait aux zones contrôlées par l’armée allemande. Avant le début de la guerre, Giovanna Daffini, fille d’un violoniste ambulant, la chantait lors d’heureux événements comme des mariages. Mais une fois la guerre commencée, elle rejoint la résistance et va participer à la renaissance de Bella Ciao, en modifiant les paroles. Sur la même base qu’une autre ritournelle du nom de Fior di Tomba (“Fleur de Tombe “ en VF), elle parle maintenant de la “fleur du partisan”. Et c’est ce partisan, du nom que se donnaient les résistants, qui devient le héros de la chanson, dont les paroles sont revues et corrigées de façon bien plus guerrière. La preuve avec cet extrait :
UN MATIN, JE ME SUIS LEVÉ O BELLA CIAO, BELLA CIAO, BELLA CIAO CIAO CIAO UN MATIN, JE ME SUIS LEVÉ, ET J'AI TROUVÉ L'ENVAHISSEUR. HÉ ! PARTISAN EMMÈNE-MOI O BELLA CIAO, BELLA CIAO, BELLA CIAO CIAO CIAO HÉ ! PARTISAN EMMÈNE-MOI, CAR JE ME SENS MOURIR
La chanson traverse ensuite les décennies, devenant un hymne à la résistance et à la lutte contre le fascisme et toutes formes d’oppression. Ce qui nous ramène à La Casa de Papel. Dans une scène marquante, El Profesor explique à Raquel à quel point les banques et le système économique ont à nouveau divisé les gens et que ce qu’il essaie d’accomplir avec le braquage de la Fabrique nationale de monnaie et de timbre est un acte fort, et symbolique.
En créant leur propre argent, les braqueurs ne font qu’imiter la Banque centrale européenne, qui en 2011 a injecté 171 milliards d’euros pour renflouer les banques qui avaient pourtant elles-même causé la crise économique. Une injection massive de liquidités qui a été appelée le “quantitative easing” et pour laquelle personne n’a accusé personne. Alors que d’après El Profesor, les sous que lui produira seront réellement réinjectés dans l’économie...
Le succès de la série et le refrain ultra catchy remettent la chanson au goût du jour en 2018, à un point tel que de nombreux remixs voient le jour, ainsi qu’une improbable reprise française signée Naestro, avec en featurings Maître Gims, Vitaa, Dadju et Slimane. Mais cette version transformant un chant contestataire en chanson d’amour en mode R’N’B est très critiquée, essentiellement pour avoir vidé Bella Ciao de sa substance.
Avant le succès de la série Netflix, d’autres reprises avaient déjà été effectuées, notamment par Yves Montand, ou celle, parfaitement raccord avec les paroles, de Christophe Alévêque lors de la soirée hommage à la rédaction de Charlie Hebdo :
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