La question de savoir comment l’agriculture était pratiquée dans l’Antiquité dans un endroit aride qui présente encore des défis aujourd’hui intrigue les chercheurs depuis des années. Une récente découverte apporte des réponses.
Pour contribuer à Dreuz.info en utilisant votre carte de crédit sans vous inscrire à Paypal, cliquez sur ce lien Paypal.Dreuz, et indiquez le montant de votre contribution.
Il y a environ 1 600 ans, des communautés chrétiennes prospères vivaient dans les hautes terres du désert du Néguev.
Elusa, considérée comme la métropole du Néguev à l’époque, avait probablement 10 000 à 15 000 habitants. La ville prospérait autour des belles églises, et pratiquait une agriculture florissante, cultivant des céréales, des arbres fruitiers et des vignes – oui, en plein désert !
En analysant les restes de plantes anciennes et d’autres artefacts archéologiques, les chercheurs ont pu documenter la réussite de cette société grâce à sa pratique de l’économie libre de marché et de la mondialisation.
Du quatrième au septième siècle, un vin blanc apparemment doux était exporté depuis les ports de Gaza et d’Ashkelon dans toute la région méditerranéenne.
Des « jarres de Gaza » – les amphores locales utilisées pour conditionner et commercialiser toute une série de produits agricoles d’exportation, principalement du vin, d’où le nom de « jarres à vin de Gaza » – ont été retrouvées en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne et au Yémen.
Parallèlement, à environ 50 km de Gaza (50 à 100 km), les hauts plateaux du Néguev étaient l’une des régions de production du vin de Gaza. En tant que telle, la viticulture était considérée comme la principale source de richesse locale, ce qui a conduit à l’énorme croissance des colonies du Néguev et au développement de leur arrière-pays agricole, dont les ruines témoignent encore de cette grande entreprise.
Le déclin et l’abandon de ces sites est lié au déclin du commerce méditerranéen au VIIe siècle, avec la chute de l’hégémonie byzantine chrétienne dans la région au profit de la domination islamique.
« Ces communautés pratiquaient l’agriculture de ruissellement dans le désert, qui consistait à piéger les eaux de ruissellement descendant des pentes dans les lits des oueds, puis à ralentir le débit de l’eau par des barrages de retenue », a expliqué le chercheur Daniel Fuks*.« Ils étaient ainsi capables de collecter l’eau d’une zone 20 fois plus grande que les champs qu’ils cultivaient ».
Le chercheur a souligné que dans une région où la pluviométrie moyenne est estimée à environ 100 mm par an, les agriculteurs ont réussi à récolter l’équivalent de plus de 500 mm par an dans les lits des oueds, ce qui leur a permis de cultiver tous les types de produits, y compris les céréales et les raisins.
Le ruissellement a également fourni un autre élément clé pour la pratique de l’agriculture qu’il est difficile de trouver dans un désert rocheux : le sol. Un troisième élément, l’engrais, était obtenu à partir de fientes de pigeons, comme en témoignent les nombreux vestiges de pigeonniers trouvés dans les colonies.
Les agriculteurs du Néguev élevaient également des moutons et des chèvres, entre autres.
Les communautés chrétiennes faisaient ainsi partie d’un réseau commercial qui s’étendait au-delà du désert, car de nombreuses arêtes de poisson ont également été trouvées dans les sites, importées d’autres endroits, peut-être en utilisant le même type de jarres que celles utilisées pour le transport du vin.
La compréhension des tendances de la production de raisins a offert aux chercheurs un outil pour documenter la vie et l’économie libérale de ces communautés.
« Vos ordures en disent long sur vous. Dans les anciens monticules d’ordures du Néguev, on trouve des traces de la vie quotidienne des habitants – sous la forme de restes de plantes, d’animaux, de tessons de céramique, et bien d’autres choses encore », a déclaré M. Bar-Oz dans un communiqué de presse.Dans le cadre du projet « Crisis on the Margins », nous avons creusé ces monticules pour découvrir l’activité humaine derrière les déchets, ce qu’ils contenaient, quand ils ont prospéré et quand ils ont décliné ».Parmi les découvertes, on a trouvé un grand nombre de pépins de raisin.
Esprit capitaliste des communautés chrétiennes
Le système d’agriculture intensive du Néguev byzantin – un système à haut rendement et fort investissement – a forcément nécessité des efforts importants en main-d’œuvre pour la fabrication, l’entretien et les réparations des installations agricoles, en raison du climat aride et des inondations destructrices.
La collecte organisée des eaux de pluie était nécessaire à l’agriculture, en particulier à une échelle qui a permis la croissance de la population et du peuplement du Néguev à l’époque byzantine.
Ce n’est que par une démarche capitaliste, qui consiste à prendre des risques élevés et calculés, et investir dans l’espoir d’un retour sur investissement que ces communautés chrétiennes de ces villes du Negev purent exister, prospérer et durer.
Cela comprend la restauration et la reconstruction annuelles des barrages de retenue endommagés par les fortes crues soudaines ; l’enlèvement des pierres le long des pentes des oueds pour améliorer le ruissellement des eaux de pluie ; leur détournement dans des conduits construits par les travailleurs ; et la construction de pigeonniers, suivie de l’enlèvement et de la distribution saisonnière d’énormes quantités de fientes de pigeons dans les champs : tout cela représentait un coût de main d’œuvre, un investissement, un suivi et un travail très importants, qui portèrent leurs fruits.
En utilisant les proportions de céréales et de raisins comme indice économique de la viticulture dans le Néguev, les analyses archéologiques montrent que l’industrie est passée de pratiquement rien au troisième siècle de notre ère à une production appréciable au cinquième siècle.
Au cours de cette période, l’agriculture du Néguev est passée d’un système basé sur l’agriculture de subsistance à un système combinant une stratégie d’agriculture mixte avec ce qui semble être une orientation commerciale importante.
Vers le milieu du sixième siècle, la production de raisins est apparemment passée bien au-dessus des niveaux de subsistance, devenant ainsi la principale culture capitaliste du Néguev.
Cependant, entre le milieu et la fin du sixième siècle, le déclin est évident, et ce jusqu’au septième siècle.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire