mardi 28 juillet 2020

Quand Gisèle Halimi racontait son avortement, à 19 ans, réalisé par un “monstre sadique”

Quand Gisèle Halimi racontait son avortement, à 19 ans, réalisé ...

Grande avocate et figure du féminisme en France, Gisèle Halimi est morte à l’âge de 93 ans, comme l’a annoncé sa famille à l’AFP mardi 28 juillet 2020. En 2019, elle évoquait ses combats et son engagement dans les colonnes du Monde, racontant notamment son propre avortement.

C’est une grande figure du féminisme qui s’en est allée. Gisèle Halimi est morte au lendemain de son anniversaire, à l’âge de 93 ans, comme l’a annoncé sa famille à l’AFP mardi 28 juillet 2020. “Elle s’est éteinte dans la sérénité, à Paris”, a fait savoir l’un de ses trois fils, Emmanuel Faux, estimant par ailleurs que sa mère avait eu “une belle vie.” 
L’avocate, qui avait fondé le mouvement Choisir la cause des femmes aux côtés de Simone de Beauvoir et Jean Rostand, est surtout connue pour avoir milité en faveur de la dépénalisation de l’avortement. En 1972, elle avait notamment obtenu la relaxe pour Marie-Claire, jeune adolescente de 16 ans accusée d’avoir avorté après un viol et poursuivie en justice avec sa mère, qui l'avait aidée. Ce procès très médiatisé dit de Bobigny avait ouvert la voie sur la dépénalisation de l’avortement avec la loi Veil, trois ans plus tard. Gisèle Halimi, qui avait signé en 1971 le manifeste des 343, avait d'ailleurs elle-même vécu un avortement.

"Le sentiment qu’on m’avait torturée pour sanctionner ma liberté de femme"

En 2019, dans un long et passionnant entretien accordé au Monde, elle se confiait à ce sujet. “J’avais tenu à le signer malgré ma profession d’avocate et le blâme probable qui en résulterait”, expliquait-elle d’abord, avant de revenir en détails sur les conditions de son interruption volontaire de grossesse.
 “Car j’avais moi aussi, à 19 ans, connu la plus profonde détresse après un avortement réalisé par un jeune médecin sadique, un monstre, qui avait fait un curetage à vif en disant : ‘Comme ça, tu ne recommenceras pas.’ J’ai beaucoup pleuré cette nuit-là, avec le sentiment qu’on m’avait torturée pour sanctionner ma liberté de femme et me rappeler que je dépendais des hommes. Mais je ne regrettais pas. La biologie m’avait tendu un piège. Je l’avais déjoué. Je voulais vivre en harmonie avec mon corps, pas sous son diktat.”

"Ce droit élémentaire pour les femmes de choisir de procréer ou pas"

C’est à ce moment qu’elle crée le mouvement Choisir la cause des femmes. “Plusieurs femmes signataires [du manifeste des 343, ndlr.] ont été inquiétées et je me suis juré de les défendre toutes. Deneuve, Sagan ne risquaient rien, mais les autres ? Les ‘pas connues’ ? Simone de Beauvoir a tout de suite été partante. Quant au nom – Choisir – il évoquait ce droit élémentaire pour les femmes de choisir de procréer ou pas.”
 Au cours de cet entretien, Gisèle Halimi évoquait également l’effervescence de son cabinet : “Le jour, les femmes faisaient la queue, dans l’escalier de mon immeuble, pensant qu’il suffisait de s’inscrire chez moi pour avoir droit à un avortement. Le soir, jusque très tard, les militantes de Choisir fourmillaient d’idées, de débats, de projets.” Et de conclure : “C’était stimulant, solidaire, inventif. Sans doute l’un des moments les plus extraordinaires de la vie des féministes.”

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