samedi 4 juillet 2020

Des Croisades à l’avant-garde : Le guide des jardins de sculptures d’Israël...

Une statue du sculpteur Dagan Shkovsky au Kibbutz Ein Carmel, près de Haïfa (Crédit : Shmuel Bar-Am)


Taillées dans la pierre, forgées au métal, les collections de statues des villes, kibboutzim et autres sites historiques évoquent des commémorations lugubres - ou la fantasmagorie..


Tout a commencé en 1907, quand un petit groupe de jeunes immigrants originaires de l’est de l’Europe et de la Russie se rencontrent lors d’un dîner de fête dans l’appartement, à Jaffa, de Yitzhak Ben Zvi (qui devait ultérieurement devenir le deuxième président de l’État d’Israël).
Les vols et les meurtres sont monnaie courante à cette époque-là, et les habitants d’implantations juives, impuissants, sont dans l’obligation de recourir à des gardiens arabes pour assurer leur protection. Les fermiers juifs rejettent la fondation de Bar Giora, craignant de créer encore davantage de problèmes avec les Arabes que cela n’avait été le cas jusque-là
Puis un jour de l’année 1909, le groupe entend une rumeur : celle qu’un gang arabe se prépare à passer à l’attaque contre une implantation. Bar Giora et son chef, Israel Giladi, repoussent les agresseurs. Ces derniers ont été tellement effrayés qu’ils ne reviendront jamais. Et soudainement, tout le monde fait appel aux gardes de Bar Giora, qui devait devenir par la suite une unité organisée connue sous le nom de HaShomer (les Sentinelles).
En 1916, les Sentinelles ressentent le besoin de s’enraciner, ardemment désireux de trouver une terre qui serait bien à eux. Ils devaient choisir une belle colline de Galilée où ils allaient fonder le kibboutz Kfar Giladi, faisant venir avec eux les veuves et les orphelins des membres de leur groupe tués dans l’exercice de leur devoir.
Kfar Giladi s’enorgueillit aujourd’hui d’un mémorial représentant un lion rugissant, érigé en hommage à Joseph Trumpeldor, tué alors qu’il défendait l’implantation adjacente de Tel Hai, en 1920. Il y a également un autre monument dans le kibboutz qui rappelle, celui-là, une journée terrible de la Seconde guerre du Liban où 12 réservistes de l’armée israélienne ont été tués par des roquettes lancées en direction de l’est de la Haute-Galilée.
Une sculpture en pierre du kibboutz Kfar Giladi. (Crédit : Shmuel Bar-am)
Mais il y a également un merveilleux jardin de sculptures à Kfar Giladi. Il a été entièrement créé par Asaf Ben-Zvi, qui est né et a grandi dans le kibboutz. Pendant deux décennies, alors qu’il administrait la carrière du kibboutz, il a utilisé des pierres et des métaux pour créer des œuvres qui offrent aujourd’hui un témoignage époustouflant du passé.
Ben-Zvi, qui vit dorénavant à Tibériade, a récemment créé quatre jardins de sculptures aux environs de son habitation et dans sa cour, dans les collines qui dominent le Kinneret. Eclairés la nuit avec une réelle réflexion artistique, ils sont consacrés au père de Ben-Zvi, Yisrael, qui avait rejoint Kfar Giladi après quatre années passées à combattre les Allemands dans l’armée britannique.
Une sculpture du célèbre artiste Roy Lichtenstein dans le parc Daniel Oster Park à Jérusalem. (Crédit : Shmuel Bar-Am)

Le jardin de Daniel

Le jardin de Daniel est situé dans le complexe municipal qui s’étend le long de la rue Jaffa, artère majeure de Jérusalem. Il porte le nom de Daniel Oster, qui avait été le seul édile juif de la ville au cours du Mandat britannique et qui a été le premier maire à servir dans la Ville sainte après la déclaration de l’Etat d’Israël, le 14 mai 1948.
Créé en 1892 par les gouvernants turcs de Palestine, c’est le plus ancien jardin public de Jérusalem. Depuis des années, ce parc accueille de magnifiques concerts en plein air – ainsi que l’ombre des somnambules.
Il est aujourd’hui bien plus petit qu’il ne l’était lors de sa création. Toutefois, en plus de ses bancs, d’une promenade minuscule et d’une radio énorme que les passants peuvent brancher sur la fréquence qu’ils désirent, le parc s’enorgueillit également de sculptures remarquables réalisées par deux artistes célèbres : Avraham Ofek, dont les œuvres décorent des sites sur tout le territoire israélien, et le fameux artiste pop américain, Roy Lichtenstein.
Une sculpture d’Ariel Miron au kibboutz Yiron. (Crédit : Shlomi Flax)

Le kibboutz Yiron

Le kibboutz Yiron avait été établi à la frontière israélienne avec le Liban, juste après la fin de la guerre de l’Indépendance, en 1949. Ses fondateurs étaient des soldats qui avaient appartenu au Palmach et qui, avant la guerre, s’étaient formés à l’agriculture et à l’élevage au kibboutz Dafna. Seize de ces aspirants fermiers ont été tués pendant la guerre, la majorité lors des batailles sanglantes de la forteresse de Yesha.
Consacré à ces seize hommes, un mémorial a été inauguré en 2001. Un an plus tôt, les préparations visant l’aménagement d’une promenade, aux abords de ce monument de commémoration, avaient commencé. Les artistes avaient été invités à se rendre sur le site et à s’approprier les paysages.
Tandis que de nombreuses personnes visitent Yiron pour son zoo inhabituel, sa cave viticole, son lac naturel et ses chambres d’hôtes confortables, la promenade est également une attraction majeure. Non seulement les touristes peuvent profiter de la tranquillité de ces lieux – avec des panoramas splendides qui permettent de découvrir les lits de rivières, les montagnes et les paysages libanais – ils peuvent également découvrir ce mémorial émouvant dressé en hommage aux soldats morts au combat ainsi que d’autres statues plutôt d’avant-garde, au nombre de huit.
La forteresse de Belvoir dans le nord d’Israël, le 3 février 2018. (Crédit : Anat Hermony/Flash90)

Belvoir

Un château des croisés peut sembler être un lieu plutôt étrange pour accueillir un jardin de sculptures modernes, mais Belvoir (qui est également connu sous le nom de Kochav Hayarden) prouve le contraire. Situé à environ 20 kilomètres au sud du Kinneret, Belvoir était initialement un château de taille modeste qui hébergeait un chevalier local. Il a été complètement reconstruit après avoir été acheté par l’Ordre hospitalier en 1168.
Après cette reconstruction, Belvoir était devenu une forteresse concentrique avec deux châteaux complètement indépendants comptant deux cours intérieures. Le résultat avait été la mise en place d’un système de défense particulièrement efficace – si les murs extérieurs étaient attaqués, alors les envahisseurs pouvaient être repoussés par les défenseurs depuis le château intérieur.
Et en effet, après que ce qui restait du royaume des croisés soit tombé entre les mains des envahisseurs mameloukes en 1187, Belvoir devait encore résister 18 mois – le temps que l’ennemi creuse un tunnel passant sous les murs extérieurs, incendiant ses supports en bois. Les soldats qui se trouvaient dans le château intérieur ont alors choisi de rendre les armes.
Une grande partie de la forteresse de Belvoir a été restaurée avec beaucoup de soin – et notamment ses douves impressionnantes, un grand nombre de pièces et un tunnel souterrain. En 1994, l’artiste Yigal Tumarkin a placé un certain nombre de ses œuvres dans la forteresse, une initiative visant à combiner art moderne et archéologie. Lorsque la commission concernée a refusé de laisser Tumarkin installer ses structures à l’intérieur des murs du château, ce dernier a choisi de les placer sur le sol, créant ainsi un jardin de sculptures formidable.
Une sculpture du kibboutz Ginossar par l’artiste Yuval Lupan. (Crédit : Shmuel Bar-Am)

Le kibboutz Ginossar

L’année 1986 a été marquée par une sécheresse terrible en Israël et quand tout s’est desséché, les eaux du lac de Tibériade ont commencé à baisser dangereusement. Alors qu’elles atteignaient de nouveaux records, en laissant apercevoir çà et là le sol habituellement caché aux yeux par l’eau, des artefacts ont été découverts, certains d’une valeur inestimable. Le plus remarquable d’entre eux était un bateau de pêche empêtré dans la boue, datant d’il y a deux mille ans – la période pendant laquelle, selon le Nouveau testament, Jésus prêchait autour du lac, souvent embarqué à bord d’un bateau de pêche.
Conçu en bois de cèdre du Liban, l’embarcation fait neuf mètres de long, 2,5 mètres de large et 1,25 mètre de haut. Elle est aujourd’hui à découvrir à Beit Yigal Allon, à Ginossar, un kibboutz agrémenté de chambres d’hôtes situé à l’angle nord-ouest du Lac de Tibériade.
C’est à Ginossar qu’est né le sculpteur reconnu Yuval Lupan, et il y vit encore aujourd’hui. Des dizaines de sculptures colorées et très imaginatives ont été installées dans un jardin, autour de la chambre d’hôtes et à quelques pas de l’atelier de l’artiste. C’est Lupan qui, en compagnie de son frère Moshe, avait découvert le « bateau de Jésus ».
Une sculpture représentant des chiots en train de téter au kibboutz Maagan Michael réalisée par l’artiste Avraham Portugali. (Crédit : Shmuel Bar-Am)

Le kibboutz Maagan Michael

Des chiots en train de téter leur mère, un cheval en train de brouter et une représentation de David : les œuvres présentées dans un jardin du kibboutz Maagan Michael sont d’un genre très différent de celles qui sont présentées à Ginossar. Elles ont toutes été réalisées par feu Avraham Portugali qui, comme Ben-Zvi, a vu le jour à Kfar Giladi.
Appartenant aux premiers pilotes de l’armée de l’Air israélienne, il avait son propre avion. Il le posait souvent sur le terrain d’atterrissage situé aux abords du kibboutz, le sécurisant à l’aide de grosses pierres de manière à ce qu’il ne bouge pas sous l’effet des vents forts descendant des collines.
Portugali avait demandé à pouvoir avoir, chaque semaine, un jour de congé pour pouvoir sculpter. Quand les responsables de son kibboutz ont refusé, il s’était installé à Maagan Michael — où il avait été autorisé à pratiquer son art deux jours par semaine.
Une statue du sculpteur Dagan Shkovsky au kibboutz Ein Carmel, près de Haïfa. (Crédit : Shmuel Bar-Am)

Le kibboutz Ein Carmel

Cela fait 28 ans que Dagan Shkovsky a commencé son travail dans son merveilleux jardin de sculptures. Situé à l’intérieur du kibboutz Ein Carmel, non loin de Haïfa, c’est un pays des merveilles constitué de sculptures à la fois drôles et inhabituelles, presque toutes conçues en basalte.
Né au kibboutz Merhavia, Shkovsky s’est finalement installé à Ein Carmel où il a travaillé, la moitié du temps, en tant qu’électricien, se consacrant à ses sculptures pendant l’autre moitié. Il a choisi le basalte, a-t-il expliqué, en raison de l’extrême dureté de la pierre qui représentait un défi pour lui.
Shkovsky nous a déclaré avoir conçu ce jardin de manière à ce que les visiteurs s’y sentent bien. « À défaut d’argent, je fais de belles œuvres », a-t-il commenté.
Et c’est vrai qu’on ne peut pas s’empêcher d’aimer le résultat – ou de se prélasser (comme nous l’avons fait) sur les sculptures les plus grandes.

Aviva Bar-Am est l’auteur de sept guides en anglais sur Israël.
Shmuel Bar-Am est un guide touristique agréé qui propose des visites privées et personnalisées en Israël pour les particuliers, les familles et les petits groupes.
Cette nuit-là, ils fondent « Bar Giora » – du nom du fanatique sans peur qui avait dirigé la défense de Jérusalem pendant la Grande révolte contre Rome. Ils ont deux objectifs : protéger les communautés juives, sans défense, qui étaient persécutées par leurs voisins arabes, et s’installer sur cette terre.

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