Vous êtes en pleine campagne, à observer un étourneau, un merle ou un renard et soudain, stupeur !
Voilà que débarquent des femmes aux larges chapeaux et à robes à frou-frou, assistées de messieurs en costume qui tirent sur leur montre à gousset. Détail : ils ne portent ni chaussettes ni chaussures, foulant de leurs pieds nus l’herbe et les fourrages encore trempés par la rosée du matin. Et à en croire les grimaces qu’ils font, ça a l’air de picoter, leur manège… Vous allez me dire : « ce sont des échappés de l’asile, tout est sous contrôle… » !? Pas du tout ! Il s’agit d’éminents curistes, venus à Worishöfen, Bavière, alias le village des « nudipédistes ». C’est en effet là que vivait le célèbre abbé Sébastien Kneipp (1821 – 1897)1, homme de foi soucieux de l’âme, mais aussi inventeur d’une méthode thérapeutique consistant à « agir sur la peau par l’eau froide et à déclencher, sous l’effet de cette excitation, des modifications dans l’irrigation sanguine de la peau et dans les parties profondes de l’organisme. » La conviction de cet abbé naturopathe était que si des domaines localisés de l’organisme se voyaient influencés par « l’excitation de l’eau », le métabolisme général l’était aussi, l’élimination des déchets se faisait mieux, et le dynamisme augmentait. Et il obtenait des résultats sensationnels. Voilà pourquoi des centaines de curistes, parmi lesquels on trouvait l’élite de la bonne société d’antan, se retrouvaient (et se retrouvent encore) à marcher pieds nus dans les champs couverts de rosée, suivant ainsi les conseils de vitalisation de l’abbé. Au grand dam, il faut le dire, des paysans locaux, furieux de voir ainsi malmenées leurs cultures, par des pieds aussi illustres fussent-ils… Faire sa cure d’eau…chez soi !
Je vous raconte cela car on parle souvent des bienfaits des cures thermales contre le mal de dos (douleurs lombaires notamment)2, l’arthrose (genou et hanche notamment)3, le surpoids4, la fibromyalgie, l’anxiété ou la dépression5 etc. Et c’est vrai qu’on ne peut que les recommander !
Mais il faut dire aussi qu’elles nécessitent des moyens financiers certains (elles ne sont pas toujours remboursées par la sécurité sociale) et ensuite, il faut rappeler que les bienfaits des traitements à l’eau peuvent aussi être obtenus facilement chez soi, pour un coût quasiment nul. Et pour cela, les conseils d’un vieil abbé oublié sont d’une précieuse actualité. Magie de l’eau qui soigne !
Aujourd’hui, c’est vrai, nous avons tendance à croire que l’eau, « Ben…ça se boit, quoi ! ».
Mais pas seulement ! L’eau, c’est une splendide pharmacie qui offre une panoplie immense de soins, dont la marche nu pieds dans la rosée (et même dans la neige, en hiver) n’était que l’une des techniques que conseillait l’Abbé Kneipp à ses patients : L’eau s’emploie aussi en compresses, en bains, en vapeurs, en « affusions » (voir plus loin), en lotions ou encore en emmaillottements. Et voici quelques-unes de ces techniques que pouvez utilisez chez vous :
Lorsque l’eau froide affecte la peau, les vaisseaux se contractent puis se dilatent ensuite, et la chaleur se dissipe vers l’extérieur jusqu’au moment où une certaine compensation est atteinte. Si de la chaleur se produit au-delà du besoin de compensation, une réaction thermique intervient qui conduit à la sudation. Le centre respiratoire, en tout cas, se trouve stimulé. Les inspirations énergiques sont ici caractéristiques ; et elles ont en retour un effet favorable sur la circulation et le métabolisme.
Si la peau prend une coloration bleuâtre, il s’agit d’une mauvaise réaction, et il convient d’interrompre le lavage. Egalement, il est important d’habituer progressivement le corps à l’excitation froide, en procédant à de petites applications partielles répétées.
Lorsqu’on fait une application d’eau chaude, il se produit une large dilatation vasculaire qui s’étend jusqu’aux vaisseaux profonds et entraîne toujours une chute de tension artérielle.
Toujours commencer par des lavages et des douches sur des parties éloignées du cœur, par exemple sur le pied ou la main.
La durée du lavage, de la lotion ou du bain froid ne doit pas excéder 2 à 3 minutes. Aux personnes qui « ne sont pas en possession d’une montre », l’abbé Kneipp conseillait pour s’y retrouver malgré tout, de « compter deux Pater (Notre-Père) pour une minute »…Soit six Pater au maximum.
A noter que le Dr Bauer conseille d’utiliser l’infusion de camomille en addition à l’enveloppement en cas de plaies, d’inflammation et démangeaisons : on verse l’eau bouillante sur 3 poignées de fleurs de camomille, on laisse infuser 20 minutes et on applique ensuite l’infusion sur le tissu d’enveloppement.
Autre technique intéressante, en cas d’eczéma, d’acné ou de piqures d’insectes, l’utilisation d’un cataplasme d’argile en addition à l’enveloppement. On étend l’argile sur la partie du corps à traiter, puis on enveloppe le linge intermédiaire et le lainage. Maintenir le traitement ainsi pendant 3 heures au mois. Son efficacité peut être renforcée par addition d’une décoction de prêle. Le bain en 2019 : c’est « Mozart qu’on assassine » !
Je ne parlerai pas du bain « sensuel » dans cette lettre où rôde la mémoire de l’abbé Kneipp - mais sachez que l’ajout de sels aux huiles essentielles (10 gouttes d’huile de petit grain bigarade, 5 gouttes d’essence de bergamote, 5 gouttes d’huile de cèdre de l’Atlas) donne une profondeur insoupçonnée à l’expérience…Les huiles choisies sont en effet des « harmonisantes », ce qui signifie qu'elles évacuent l’anxiété et apaisent le mental. Leur fragrance fine et subtile « invite au lâcher prise » - je n’en dis pas plus…
Dans la pratique, pour calmer les tensions nerveuses, et soulager les raideurs, on choisira une eau tiède, qui ne dépasse pas les 38 °. Un bain d’eau bien chaude aura lui de l’effet pour stimuler la combustion d’énergie dans les cellules, et une eau froide, fortifiante, augmentera la pression des artères et ralentira les battements du cœur.
L’art de prendre un bain est quasi infini, mais je m’en voudrais de ne pas parler des plantes, excellentes compagnes à ajouter : camomille et rose pour un bain réconfortant, valériane en cas de troubles du sommeil, arnica et reine des près pour un bain antidouleur etc. (Le matin, on fait macérer la fleur ou la racine dans un litre d’eau froide, pendant 10 à 12 heures, puis on fait bouillir et on ajoute la décoction à l’eau du bain).
On a ici besoin d’une marmite large que l’on remplit d’une infusion de camomille et de feuilles d’eucalyptus, et de couvertures de laine pour envelopper le malade. Pour faciliter la reproduction de la manœuvre chez vous, je reproduis ci-dessous les positions recommandées par le Dr. Bauer :
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Il va sans dire que les critiques se sont lâchés contre une telle méthode. Généralement au motif qu’elle avait été établie par un religieux naturopathe mort il y a un siècle, et qu’à « l’ère des antibiotiques, de la chimie de synthèse, et des fusées dans la lune », on n’allait pas prétendre soigner quoi que ce soit avec de l’eau. Classique. Maintenant pour répondre à ceux qui trouvent tout ceci « totalement dépassé » je dis : « très bien, faites comme bon vous semble, mais…vous ne perdriez rien du tout à essayer ». Car même s’il n’est plus de ce monde, il me semble que c’est notre abbé Kneipp qui montrait le plus de bon sens : « Le succès, disait-il est la meilleure marque de la vérité : ce qui convient à l’homme, c’est ce qui lui fait du bien, ce qui le guérit. » « Quand le malade a été traité suivant les règles de l’art, et qu’il vient à mourir, c’est une mince consolation de savoir qu’il a été soigné selon les données de la science »… Pas mieux ! Gabriel Combris |
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