vendredi 10 juillet 2020

“Toute la France, à l'exception de l'Ouest, subit la progression de l'islam radical”



Le rapport d'une commission d'enquête parlementaire fait état ce jeudi de la progression de l'islamisation dans la société. Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice Les Républicains et rapporteur du texte, a accepté de répondre à nos questions sur un phénomène d'extrême urgence. Entretien.
Valeurs actuelles. Pourquoi avoir décidé de monter cette commission d'enquête sur l'islamisme et la radicalisation ? Quels étaient les objectifs ?
Jacqueline Eustache-Brinio. C'est un sujet extrêmement important. Elle a débuté à l'automne dernier. Avec Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, nous étions inquiets pour les élections municipales et notamment au sujet des listes dites communautaires. Beaucoup de travaux ont déjà été faits au parlement sur le financement des cultes, sur le terrorisme. La commission a donc décidé de prendre une autre orientation. Je voulais et je pense que nous avons réussi à bâtir un rapport qui présente un problème de société dans son ensemble. Autrement dit, répondre à la question : que se passe-t-il en France aujourd'hui avec une partie de la population qui a un projet politique au nom d'une religion ? En ce sens, nous avons auditionné à la fois des chercheurs, des journalistes, des professeurs d'universités mais aussi beaucoup d'acteurs du terrain, au cours d'environ 60 heures d'audition. Les 67 personnes interrogées ont eu le même constat : une partie de la population française se radicalise au nom de l'Islam et ce phénomène est en progression.
A la lumière des réponses que vous apportez aujourd'hui, peut-on affirmer que la France entière est menacée par la radicalisation islamiste ?
La France entière est concernée, c'est certain. Si l'on regarde les données, toute la France, à l'exception de l'Ouest, subit la présence de l'islamisme radical. Ce phénomène touche évidemment plus particulièrement les grandes villes. Mais, les petites et moyennes villes sont aussi beaucoup touchées. Je pense à Trèbes, une ville de 5 000 habitants, qui a été le théâtre d'un attentat en mars 2018. A mon avis, le maire de cette ville n'imaginait pas un jour vivre un événement pareil.
 
D'où vient ce séparatisme islamiste ? Comment s'exprime-t-il sur le terrain ? Et qu'est-ce-qui le laisse proliférer ?
L'islamisme radical n'est pas un phénomène nouveau. Pourtant, depuis toujours, on l'a laissé se développer alors que nous avons eu quelques velléités dès les années 70. Mais, ce n'était révélateur d'un courant qui s'inscrivait dans un projet global. Dès les années 90, tous les rapports sur le sujet montrent l'implantation durable des Frères musulmans. Cela nous montre que la construction de ces réseaux se fait sur le long terme. Et aujourd'hui, elle est d'autant plus visible dans les chiffres des enfants scolarisés à domicile. Le nombre a doublé en dix ans. Nous n’avons pas voulu voir ce problème parce que cela demande un peu de courage. C'est vrai qu'il n'y a pas eu de volonté politique ou bien l’on n’a pas assez mesuré l'ampleur de cette influence qui avec le temps s'est installé dans notre pays. Aujourd'hui, il est urgent de réagir. Cela touche l'école, le sport, la vie démocratique. L'islamisme radical s'inscrit dans un projet qui s'illustre de différentes manières : la multiplication des chantiers pour des mosquées, la construction d'écoles hors-contrat confessionnelles musulmanes... Dernièrement, les symptômes les plus marquants sont les listes communautaires pour les élections municipales, qui par ailleurs sont très difficiles à définir. L'entrisme est réel. On connaît de plus en plus de cas dans lesquels on promet une place dans une liste municipale en échange de l'ensemble des voix d'une mosquée. Ce mécanisme très dangereux car dans un premier temps l'islamisme radical s'allie, puis dans un deuxième temps, il prend le contrôle. C'est pourquoi, dans cette commission d'enquête, nous voulions absolument traiter trois axes majeurs. Faire un constat clair et précis, ensuite inciter l’État à se donner les moyens pour progresser en matière de lutte contre l'islam radical et se donner des critères de contrôle sur les associations et les financements publics. A ce sujet, même Gabriel Attal, ancien ministre délégué à la Jeunesse, a reconnu que certains financements publics allaient à des associations dont les valeurs étaient anti-républicaines. Un discours qu'il ne tenait pas il y a un an.
 
Dans le rapport, vous faites une cinquantaine de propositions concrètes. La huitième vise à « renforcer la formation des élus locaux sur la laïcité, l’islam radical, la gestion du fait religieux et l’appréhension des pratiques communautaires ». Nos élus locaux sont-ils trop peu informés ou alors ne considèrent-ils pas assez le danger ? Ou pire encore, en profitent-ils ?
Dans certains cas, les élus sont très bien informés et font un travail remarquable. En revanche, dans d'autres cas, le clientélisme est plus que visible. A Strasbourg, une femme voilée dans la liste EELV n'est pas là par hasard. Elle a été choisie pour rapporter les votes de sa communauté. C'est inadmissible. En province, l'islamisme radical arrive progressivement dans des petites villes ou villages. Il est urgent de former les élus locaux, en donnant les clés de la façon dont certains agissent pour arriver à leurs fins. C'est une manière de leur dire : « Méfiez-vous ! Peut-être ne voyez-vous pas le vent venir mais il faut que vous soyez au courant de la manière dont l'islamisme procède ». L'idée est donc de connaître les moyens pour pouvoir résister et lutter.
Dans le rapport, sont cités les chiffres de l'Institut Montaigne publiés en 2016 qui montrent que 28% des musulmans de France « ont adopté un système de valeurs clairement opposé aux valeurs de la République ». Ce chiffre n'est-il pas symbolique d'une situation quasi-insoluble ?
Effectivement, ces chiffres nous montrent l'ampleur du problème et l'urgence de faire cesser cette progression. C'est tout l'objet de ce rapport. La situation actuelles est inquiétante mais essayons de se dire que les moyens et le courage sont encore à notre portée pour arriver à enrayer ce cercle vicieux. La radicalisation s'est distillée depuis vingt ans, ce n'est pas arrivé en deux jours. Les pressions sont constantes dans certains quartiers. La police des mœurs et de la pensée tourne à plein régime.
L'un des chercheurs interrogés dans votre rapport évoque la tentative islamiste de créer une « fusion éthno-religieuse entre des populations ayant connu l'islam, en s'opposant aux « blancs » […] dans un combat contre la République ». La prochaine étape n'est-elle pas la guerre entre les « races » ?
Je ne le crois pas. En effet, l'immense majorité des citoyens de ces quartiers ne se retrouvent pas dans cette logique. Ils en sont victimes. Aussi, je veux juste rappeler qu'il n'existe qu'une seule race, c'est la race humaine. Il faut lutter pour ce séparatisme n'arrive au point de rupture. Ces personnes qui ne se retrouvent pas dans cette logique n'ont pas les moyens de lutter parce qu’ils subissent. Et ces groupuscules ont le temps, les mots et la manière pour séduire au public. Si le discours politique n'est pas assez incisif pour préserver l'intégrité de la France, alors on perdra le contrôle sur des pans entiers de notre territoire. Je pense que rien n’est perdu. Un rapport comme celui-là bouscule. A ce titre, la deuxième proposition que nous faisons est d'interdire la présence des Frères musulmans sur le territoire national. Par ailleurs, pour notre enquête, je voulais absolument interroger le CCIF, proche des Frères musulmans qui pratique la victimisation en permanence. Nous les avons convoqués pour échanger avec eux. Ils nous ont envoyé un pseudo-sociologue et une avocate qui ne sont pas membres du CCIF. Ils sont donc capables d'organiser une marche de lutte contre l'islamophobie mais sont incapables de discuter avec nous de ce dont ils seraient victimes. L'ex-UOIF, les Musulmans de France, n'est pas venu non plus. Pourtant, dans le cadre d'une commission d'enquête, on ne peut pas refuser de venir. C'est pourquoi, on réfléchit à faire une action à ce sujet. En tout cas, ce qui est très significatif dans cette affaire, c'est leur incapacité à débattre. Il préfère s'enfermer dans leur petit buzz sur les réseaux sociaux, ce qui en dit long sur leur courage politique.
Selon vous, au-delà de l'islam radical, n'y a-t-il un problème de compatibilité entre une société individualiste aux racines chrétienne et la religion musulmane qui, historiquement, se sont construites en opposition ?
A mon avis, la question ne se pose pas comme dans ses termes. Il y a un certain nombre de citoyens de ce pays qui sont musulmans. Cette religion se fond dans la République. Je ne pense pas que l'Etat doit se mêler de l'organisation du culte musulman. Il faut simplement être clair. L'islam doit respecter les lois et doit se vivre dans les valeurs républicaines. Nous n'avons pas à aller plus loin. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la création du CCFM avait cet objectif. Pourtant, aujourd'hui, cette organisation n'a pas les outils pour lutter contre la radicalisation. La République est laïque. La religion se vit dans le privé. C'est aussi simple que ça.
Il faut donc faire ce que l’on n’a pas fait depuis 30 ans...
Bien sûr. La laïcité ne s'adjective pas. C'est la laïcité. La laïcité ouverte n'existe pas. Après, chacun individuellement peut avoir un engagement religieux. Ce rapport a pour objectif de réaffirmer cette idée. Je pense qu'il va marquer une étape dans le combat que nous devons mener.
Sur quelles mesures ce rapport pourrait déboucher ?
Je souhaite que nos préconisations soient prises en compte. Je souhaite notamment à travers la police des cultes que nous judiciarisions des infractions qui ne sont pas condamnées aujourd'hui. En réalité, nous avons les outils juridiques suffisant pour lutter contre l'islam radical. Par exemple, si nous appliquions l'article 50 de la charte olympique qui interdit toute manifestation politique ou religieuse dans le cadre du sport, nous aurions beaucoup moins de problème avec les clubs sportifs. L'école et le sport restent deux vecteurs qui sont porteurs de mixité. Et si on commence à laisser parler l'islam radical dans ces lieux-là, on perd un pan de la formation des jeunes à la liberté et à l'ouverture d'esprit. C'est le République qui doit construire notre jeunesse et rien d'autre. Il est urgent de taper sur la table et regarder dans chaque domaine les outils que nous n'appliquons pas. A terme, l'objectif est la création d'une ligne imposée à l'ensemble de la France. Depuis longtemps, l'islam radical a profité de nos faiblesses et aujourd'hui il faut mettre fin à cette situation. Nous avons les moyens, il faut simplement le vouloir. Cela va sûrement heurter une minorité qui devra comprendre que c'est une République laïque qui dirige ce pays. Il vaut mieux se fâcher avec une petite minorité que ne pas écouter la majorité. Celle-ci n'a envie que d'une chose, une vie paisible dans la tolérance et dans le respect des lois de la République.
Il en va de la survie de la République...
Evidemment. Certains chercheurs et universitaires nous le disaient au cours de nos audiences. La France est observée dans sa lutte contre l'islamisme radical parce que c'est le pays des Lumières, pays des droits de l'Homme et de la laïcité. Ces intellectuels nous disent que si la France lâche alors tous les autres pays feront de même. La France est admirée mais elle est attaquée sur tout ce qu'elle a de mieux parce que très peu de pays offre autant de libertés.

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