Dans la période que nous traversons, nos préoccupations sont évidemment autres que ce qui passe loin de chez nous. Un jeune réalisateur égyptien de 24 ans, Shady Habash, a été emprisonné parce qu’il a voulu réaliser une vidéo critique du chef de l’État. Il est décédé dans la prison de Tora au Caire. Habasch a été arrêté en mars 2018 au prétexte d’avoir diffusé «des fausses nouvelles» et d’être membre d’une «organisation illégale» ( ?!). Il s’agissait aussi d’avoir enregistré une chanson Balaha dont le héros ressemblait au chef de l’État, mais dont il n’était pas l’auteur.
Le chanteur Ramy Essam a rappelé sur son site que son partenaire Mustafa Gamal et l’auteur du texte Galal El Behair, a été emprisonné et libéré sans autre formalité après 500 jours de détention arbitraire, pour critiques contre le chef de l’État. D’après les ONG sur place, il y aurait actuellement 60.000 prisonniers politiques, dont des journalistes, des avocats, des activistes laïcs, des islamistes. L’ONU les estime à plus de 100.000 !
Pour l’ONG Reporters sans frontières, ce pays serait aujourd’hui, une des plus grandes prisons du monde pour les journalistes. Dans un premier temps, l’objectif affiché était de neutraliser les Frères Musulmans, afin de leur interdire toute possibilité de propagande ou de critique du régime. Depuis la situation s’est considérablement aggravée. Evoquer la pandémie est soumis à la censure.
Prison égyptienne |
Le régime du président Abdel Fattah al Sissi, qui accomplit son second mandat depuis 2018, profite des contraintes liées à la pandémie pour élargir l’arsenal répressif contre la presse. Depuis 2015, une loi anti-terroriste impose aux journalistes de respecter la version officielle.
Depuis 2017 plus de 500 sites ont été fermés sur Internet. La couverture de toute opération militaire est soumise à la censure officielle. La loi sur la cybercriminalité permet au gouvernement une surveillance en masse des communications dans tout le pays. Les sites Internet ont l’obligation de conserver toutes les données personnelles pendant une période de 180 jours, y compris notamment d’identifier l’origine des utilisateurs, leur identité et le contenu des messages échangés. Ce qui inclut la totalité des données personnelles y compris les numéros de téléphone, les applications utilisées, les sites visités.
Depuis 2018 une nouvelle loi-cadre sur les médias et les cyber-crimes, marque le contrôle absolu du régime sur les médias ; elle lui donne la possibilité de poursuivre les journalistes, les emprisonner et de fermer les sites indépendants sur internet. L’autorité nationale des télécoms peut aussi prendre des décisions et obliger les sociétés, dans le domaine des communications, de stocker et de fournir toute autre info. Le ministère de l’intérieur, la Présidence, les services de sécurité ont accès à toutes ces données, sans aucune réserve ni obligation légale. Ce qui semble contraire à l’article 57 de la Constitution égyptienne qui stipule que la vie privée est inviolable.
Prison surpeuplée |
Symétriquement, le traitement d’informations relatives à la corruption, aux sujets économiques, telle l’inflation peuvent conduire les journalistes en prison, sans jugement. Ce qui est le cas actuel d’un grand nombre d’entre eux. Cette censure s’est largement accentuée dès le second mandat depuis le printemps 2018. La presse étrangère n’est pas épargnée. Elle se voit obligée régulièrement de supprimer des articles. Ses reportages sont parfois attaqués par les organismes officiels et certains journalistes expulsés.
L’accès du Sinaï est interdit à la presse locale et étrangère et le traitement de toute information sur les opérations de sécurité conduites sont soumises à une stricte censure. Tout ceci paraît en totale opposition avec les engagements pris par l’Egypte qui a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques entré en vigueur le 23 mars 1976.
Alors il faut s’étonner de ce que cette situation ne soit pas fermement condamnée et stigmatisée tant par Michelle Bachelet, haute Commissaire aux Droits de l’homme de l’ONU, par tous les États de droit plus largement et par la France, le berceau des Droits de l’homme. En revanche, on s’acharne régulièrement à condamner Israël, qui on le sait bien a également des dizaines de milliers de prisonniers politiques israéliens dans ses geôles et qui est l’État dictatorial par excellence, qui doit s’y prendre à au moins trois reprises pour voter et choisir un nouveau gouvernement. Bien sûr il donne là le mauvais exemple. Il est beaucoup plus facile d’emprisonner les dissidents ; cela règle le problème de l’opposition beaucoup plus rapidement.
Mais au fond, pour avoir la bénédiction de la France, il y a peut-être une solution, certes osée, qui consisterait pour Israël de passer commande d’avions Rafale.
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