"Rappelons quand même que l'on a un système de santé performant, un des seuls au monde où un SDF est aussi bien soigné qu'une personne riche. C'est tout à notre honneur", déclarait le Premier ministre, Jean Castex, le 15 juillet au Parisien. Mais ces affirmations sont-elles encore valables ? Réponse chiffres à l'appui.
Est-on si bon que ça ? Le 15 juillet dernier, lors d'une rencontre avec les lecteurs du Parisien, le Premier ministre, Jean Castex, était interrogé sur le manque de moyens de l'hôpital public, encore plus manifeste qu'à l'ordinaire avec la pandémie de Covid-19. "Rappelons quand même que l'on a un système de santé performant, un des seuls au monde où un SDF est aussi bien soigné qu'une personne riche. C'est tout à notre honneur", affirmait à cette occasion le nouveau chef du gouvernement. Mais est-ce encore le cas ? Malgré le mérite des soignants, le système à la française, soumis depuis des années à une cure d'austérité est-il encore si performant et égalitaire que cela ? Pas vraiment, à en croire les chiffres de l'OCDE.
Partant de l'indicateur le plus général - également le plus grossier - des performances des systèmes de santé dans les pays développés, force est de constater que la France n'occupe que le huitième rang en terme d'espérance de vie à la naissance, avec 82,8 ans. Bien loin des 84,2 ans du Japon, la France est dépassée par l'Espagne, l'Italie, l'Islande, Israël et l'Australie. Les chiffres français sont en revanche bien meilleurs en terme d''espérance de vie à 65 ans, puisque la France arrive au deuxième rang pour les femmes (23,8 ans) et en quatrième place pour les hommes (19,7 ans), derrière la Suisse, l'Islande et l'Australie.
Certains indicateurs sont encore au vert : les statistiques détaillées de l'OCDE placent ainsi la France au cinquième rang en matière de mortalité évitable grâce aux traitements pour l'année 2016 (dernières données disponibles). D'autres voyants sont pourtant passés à l'orangé : en 2015, toujours selon l'OCDE, la France était seulement onzième du classement des pays dans lesquels un malade a le plus de chances de survie 30 jours après un infarctus, devancée, entre autres, par l'Italie, la Pologne ou encore la Nouvelle-Zélande. L'Hexagone arrive au même rang pour les AVC hémorragiques, derrière l'Allemagne, la Corée et l'Islande. En matière de prévention, le système vanté par Jean Castex est également très loin du podium mondial, puisque la France n'arrive qu'en douzième des pays de l'OCDE en matière de mortalité évitable par la prophylaxie.
19ÈME PLACE EN NOMBRE DE LITS CONSACRÉS À DES SOINS AIGUS
Surtout, les chiffres dessinent le portrait d'un système de santé saturé souffrant d'un manque de bras, comme le constatent médecins et infirmières depuis des années. En 2017, la France n'était que treizième de l'OCDE sur le nombre d'emplois médicaux et sociaux pour 1.000 habitants, avec 58,34 soignants pour un millier de Français. La même année, notre pays pointait à une piteuse dix-neuvième place en nombre de lits consacrés à des soins aigus, avec 3,09 lits pour 1.000 habitants, contre 7,79 pour 1.000 habitants au Japon. Le constat est à peine moins cruel concernant le nombre total de lits : certes, la France arrive neuvième avec 5,98 lits pour 1.000 habitants, mais le Japon, encore en tête du classement, compte plus du double de lits pour un millier de citoyens (13,05).
Sans grande surprise, le ratio entre le nombre d'emplois hospitaliers et le nombre de lits n'est pas à l'avantage de notre système. Quatorzième de l'OCDE, la France ne compte que 3,28 hospitaliers par lit, là où nos voisins britanniques bénéficient de 8,73 soignants par malade. Et la France n'arrive même pas en tête en matière de lits des hôpitaux publics, c'est-à-dire censés être accessibles à toutes les bourses : en Europe, elle est devancée par l'Autriche, qui compte 5,14 lits publics pour 1.000 habitants. Avec 3,68 lits publics pour mille personnes, la France est talonnée par l'Allemagne (3,26), la Finlande (3,13) et l'Islande (3,06).
UNE ACCESSIBILITÉ QUI N'A RIEN DE LÉGENDAIRE
Malgré tout, la France reste parmi les pays les plus avancés en terme d'accessibilité des soins : fin 2018, le reste à charge moyen d'un Français est de sept euros sur cent de dépenses selon l'OCDE, grâce à l'assurance maladie. Résultat : les dépenses de santé à la charge des patients s'élèvent à 477 dollars par an, contre 717 dollars pour le Royaume-Uni, 778 dollars pour l'Allemagne, 821 dollars pour l'Italie, 1.150 dollars pour les Etats-Unis et… 2.037 dollars pour la Suisse.
Peut-on pour autant affirmer, comme Jean Castex, qu'un "SDF est aussi bien soigné qu'une personne riche" ? Si l'accès aux soins est l'un des plus égalitaires au monde, on ne peut occulter le fait que le recours aux soins privés est bien souvent le moyen, pour les plus aisés, de contourner un hôpital public engorgé, que certains pontes désertent faute de rémunération à la hauteur de celles proposées par les cliniques. Dans une étude publiée en 2016, l'Insee montrait d'ailleurs que l'appartenance à une catégorie sociale avait encore un impact significatif sur l'espérance de vie : "En 2009-2013, la différence d’espérance de vie entre un ouvrier de 35 ans et un cadre du même âge est de 6,4 ans pour les hommes et 3,2 ans pour les femmes", expliquait l'étude. "De même, celui entre les professions intermédiaires et les ouvriers se maintient à peu près au même niveau depuis cette époque, environ 4,5 ans pour les hommes et 2,0 ans pour les femmes." Autrement dit, comme disait Francis Blanche, il vaut toujours mieux être riche et bien portant que pauvre et malade.
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