mardi 12 mai 2020

IN MEMORIAM, LE DESTIN ATROCE DE DANIEL PEARL...


   Dans la dramatique situation que nous vivons, certains faits passent inaperçus. Pourtant il faut se souvenir de ce drame inhumain commis, par des barbares et tenter de révéler certains dessous du dossier. Lors d’un reportage, le journaliste américain correspondant au Pakistan du Wall Street journal, a été pris en otage et égorgé par ses bourreaux d’Al Qaeda le 1er février 2002 à Karachi. Daniel Pearl était sur place pour rencontrer des extrémistes en relation avec le terroriste Richard Reid, arrêté à Miami. Son exécution fut entièrement filmée et la vidéo transmise aux médias, aux autorités et à la famille.
Cheikh Omar avant son procès

            La justice pakistanaise arrêta en février Cheikh Omar, membre d’Al Qaeda, de nationalité britannique, étudiant à la London School of Economics, condamné dans les années 90 en Inde pour l’enlèvement de touristes occidentaux. En 1999 il fut libéré à la faveur d’un échange de prisonniers avec les Talibans d’Afghanistan. A cette époque il a été considéré comme le cerveau de l’affaire. Sept autres participants furent identifiés, mais jamais arrêtés.

            Un tribunal condamna quatre participants, dont Ahmed Omar Saïd Sheikh, à payer à la veuve 32.000 € ! Le procureur fit appel en réclamant la peine de mort pour les quatre accusés. Le procès qui devait initialement prendre une semaine, dura 12 semaines. Avant le verdict, l’avocat Rai Bashir indiqua que la Cour n’avait pas de preuves substantielles démontrant la culpabilité des accusés et demanda leur mise en liberté, sauf à «constater que les gouvernements américains et pakistanais pouvaient influencer le tribunal».

            A l’initiative de l’avocat, les agences de presse furent informées que la justice pakistanaise décidait de commuer la peine de mort en une peine de prison de 7 ans, car l’accusation n’avait pas fourni suffisamment de preuves sur le chef d’assassinat même. L’accusé avait déjà passé 18 ans en prison et les trois autres co-accusés condamnés à la prison à vie, furent également libérés. Le procureur général de la province indiquait toutefois «que l’on ferait, probablement, appel de ces décisions auprès de la haute cour».

Asra Q. Nomani avec Daniel Pearl

            Ce n’est qu’en 2011 que des doutes apparaissent quant à la culpabilité de Saïd. Selon une enquête approfondie réalisée par l’ancienne collègue de Daniel Pearl, Asra Q. Nomani à l’université de Georgetown de Washington, on n’aurait pas condamné les véritables responsables. En effet, trois ans plus tôt, devant un tribunal militaire américain, Khalid Cheikh Mohamed (KCM) détenu à Guantanamo, identifié comme cerveau derrière les attentats du 9 novembre 2001, s’est vanté d’être le responsable de la mort de Daniel Pearl. Affirmation qui souleva le plus grand doute.  Les Etats-Unis renoncèrent à ajouter cette inculpation à l’acte d’accusation, sans tenir compte du rapport déjà cité. Cette décision suspecte reste encore à ce jour une énigme. Comme si l’on craignait les révélations qu’elle pourrait entraîner.
            
Cette enquête approfondie a permis de lever quelques coins d’ombre. Il s’avère que les kidnappeurs, indécis, sur ce qu’ils devaient faire, demandèrent une rançon, envisagèrent un moment de libérer le journaliste, puis s’adressèrent à Al Qaeda qui prit le contrôle de l’opération. Grâce à la vidéo existante, l’examen minutieux de la main du bourreau, la configuration de ses veines, visibles, ont permis de l’identifier comme auteur de l’atroce mise en scène diffusée par vidéo. D’après l’enquête, 27 personnes participèrent à l’enlèvement dont 14 sont encore en liberté à ce jour.
            Khalid Cheikh Mohamed n’a pas été inculpé, car cette déclaration aurait été obtenue sous la torture. En 2006 des officiels américains recommandèrent de limiter les charges aux attentats du 9 septembre, sans y ajouter l’assassinat : «pour ne pas compliquer la procédure» Comme si les autorités s’embarrassaient vraiment de ce problème. Encore une surprise. 

            En 2007, l’administration américaine diffusa la transcription d’une audition du même KSM dans laquelle il admettait «avoir décapité le journaliste juif américain» et il précisait même «je l’ai fait de ma main droite, bénie soit elle, les photos sont sur l’internet». Effectivement, l’examen détaillé de la main du bourreau, la configuration de ses veines, ont permis de l’identifier catégoriquement comme auteur réel de l’atroce mise en scène. Mais le FBI ne bougea pas pour autant. Cherchez l’erreur !
Cheikh Omar à son procès

            Cette enquête précisa également qu’un envoyé des kidnappeurs, qui rencontra un représentant du FBI à l’époque, avait été laissé libre par les autorités locales. Un ex-agent du FBI se fit connaître. Il avait lui même interrogé deux des agresseurs et l’envoyé en question. Il en communiqua le nom. Un policier pakistanais frustré de l’absence d’action de son gouvernement, fit d’autres révélations en 2008. En fournissant divers rapports, top secret, de la police.

            Enfin, cette enquête aura montré que le FBI généralement chargé des affaires intérieures américaines était au Pakistan, ce qui est exceptionnel. Cela aurait dû être la CIA qui devait mener le dossier sur place. Or rien n’a filtré à ce sujet. Certains experts pensent qu’en fait le journaliste a été l’objet d’une manipulation d’un service américain, que l’opération a mal tourné, qu’il y a eu connivence avec certains responsables des services secrets pakistanais.  Ce qui expliquerait très largement que les autorités des deux pays aient trouvé tous les prétextes pour ne pas vouloir inculper l’auteur identifié de cet assassinat barbare. La justice n’est pas rendue, quand la raison d’état est la plus forte.

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