Avec le déconfinement, la SNCF, la RATP et les autres transporteurs doivent jongler avec un trafic réduit et l’obligation de faire respecter les normes sanitaires.
Ultimes réglages et conférences téléphoniques jusqu’au dernier moment… Pour les acteurs du transport public, la remontée en puissance des trains, bus, métros et tramways, après huit semaines de confinement et un trafic réduit aux trois quarts, est un cas sans précédent. Ce lundi, la RATP, la SNCF et tous les transporteurs en région devront veiller au strict respect de la distanciation physique des voyageurs et de l’obligation du port de masque. En Ile-de-France, une mesure spéciale vient même s’ajouter à ce dispositif : l’obligation pour toutes celles et ceux qui empruntent les transports entre 6 h 30 et 9 h 30 et de 16 h 00 à 19 h 00 d’être munis d’une attestation téléchargeable sur le site de la région. Ce laissez-passer limite les déplacements aux trajets domicile-travail ou à des cas de force majeure, comme un rendez-vous médical.
Système D.Une restriction voulue par la présidente de la région francilienne, Valérie Pécresse, soucieuse de limiter au maximum les risques d’affluence et donc de refoulement dans les gares comme dans les bus et métros. Histoire de ne pas manier seulement le bâton, l’élue a également rappelé que seraient distribués dans les gares et stations «2 millions de masques».
De son côté la présidente de la RATP, Catherine Guillouard, indique «avoir poussé au maximum les capacités» de manière à ce que le service atteigne en moyenne entre 75 % du trafic normal dans le métro et 80 à 100 % dans les tramways. Une soixantaine de stations seront néanmoins fermées. Pour autant, une rame de métro habituellement calibrée pour emmener 800 voyageurs ne pourra en accueillir, à partir du 11 mai, que 180. Le nettoyage quotidien sera particulièrement surveillé. Le budget a été multiplié par deux et la technique change. Il s’agit désormais d’une nébulisation de liquide destiné à tuer les virus et ses gouttelettes sont censées se glisser dans tous les interstices. Les organisations syndicales veillent au grain : «Sur le nettoyage, nous avons travaillé avec l’inspection du travail et effectué des visites surprises, y compris de nuit», précise le secrétaire général de l’Unsa RATP, Thierry Babec.
Du côté de la SNCF, son patron, Jean-Pierre Farandou, promet 60 % des trains en Ile-de-France et 50 % dans le reste du pays. A bord des trains à réservation, un siège sur deux a été neutralisé, et dans les autres, place au système D. Plusieurs régions testent un coupon d’accès aux TER afin de limiter l’affluence à bord. Dans les grandes métropoles, la suppression d’un siège sur deux n’est pas du tout la règle, selon le dirigeant d’une entreprise de transport, qui estime que la stratégie choisie relève plus de l’incitation que la répression.
Pépin.Il reste plusieurs inconnues dans cette équation inédite. Au-delà des milliers de stickers collés au sol et sur les sièges pour faire respecter la distanciation, les moyens propres de la SNCF, de la RATP et des entreprises de transport partout en France sont insuffisants pour filtrer les flux de passagers. Un appel a certes été lancé aux forces de l’ordre pour obtenir un coup de main, mais le ministre de l’Intérieur a répondu de manière homéopathique. En région parisienne, sur les 5 000 policiers réclamés, tout au mieux 1 500 devraient être mis à disposition. Face au risque de débordement, le secrétaire d’Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a lancé un avertissement : «Si les mesures mises en place ne sont pas respectées, nous n’hésiterons pas à fermer gares et métros.» Mais la sanction ne sera pas immédiate à l’égard de ceux qui ne respectent pas le port du masque, ou ne sont pas munis d’une attestation en Ile-de-France. Les deux ou trois premiers jours seront ceux de la sensibilisation. D’autant que les décrets permettant de sanctionner ces nouvelles infractions n’ont pas encore été publiés.
En revanche, les entreprises de transport ont déjà obtenu satisfaction sur un point. Elles exigeaient du gouvernement une clarification sur leur degré de responsabilité au cas où la distanciation ne serait pas respectée. «Certains dans les hautes sphères de l’Etat s’imaginaient nous faire porter une obligation de résultat [en clair une responsabilité totale, ndlr]», soupire le dirigeant d’une des entreprises concernées. L’envoi d’une lettre corsée au Premier ministre a convaincu le gouvernement d’accepter de limiter cette responsabilité à «une obligation de moyens renforcée». Traduction : les transporteurs mettent en œuvre tous les moyens possibles, et en cas de pépin, ce ne sont pas eux qui assumeront la responsabilité d’éventuels incidents entre passagers ou de cas de contamination. Edouard Philippe a toutefois peu apprécié d’être mis au pied du mur. Ce qui fait sourire l’un des auteurs de cette lettre pimentée : «Comme tous les dirigeants des entreprises concernées ont signé, il ne pouvait pas tous nous virer.»
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